Lorsque j’en eus reconnu quelques-uns
Je vis une ombre en qui je retrouvai
Celui, par lâcheté, qui fit le grand refus ;
Et sur-le-champ je compris et fus sûr
Que c’était là cette engeance des lâches
Qui déplaisent à Dieu comme à ses ennemis.
Ces êtres vils, qui jamais ne vécurent…DANTE,
La Divine Comédie,
« L’Enfer » , chant troisième,
« Les Gens sans caractère »
Voilà plus de sept ans que je prends activement part à la lutte pour les droits de tout homme dans l’Etat d’Israël et dans les territoires conquis au cours de la guerre de juin 1967. J’ai fini par saisir que le sionisme est la cause première de l’oppression sur ce territoire. Mais je devais aussi découvrir que mes pires ennemis, dans cette lutte que je livre pour la cause des droits de l’homme et contre le sionisme, ne sont pas les sionistes honnêtes — ceux qui proclament ouvertement, du moins en hébreu, leurs intentions véritables —, mais bien ces défenseurs du sionisme qui, de l’étranger, sous le masque d’une « sympathie » pour les Palestiniens, se disent « préoccupés » par la paix et autres sentiments du même genre et ne font que tromper leurs concitoyens et les Palestiniens sur les intentions véritables du sionisme du passé, du présent et du futur.
L’introduction d’Irène L. Gendzier au livre de Noam Chomsky Peace in the Middle East est l’exemple parfait d’une telle hypocrisie, d’autant plus qu’elle a été écrite pour un livre qui, à mes yeux, est honnête — sans que je sois toujours d’accord avec l’auteur. C’est ce qui m’a poussé à présenter cette critique de tous ceux qui se permettent d’avancer toute une série d’arguments — sans jamais citer les faits — qui seraient censés tenir lieu de preuve des bonnes intentions du sionisme.
Le sionisme — les faits
Dans son introduction, Irène L. Gendzier ne mentionne pas une seule fois ce que les institutions sionistes ont en fait entrepris contre les Palestiniens en Palestine.Commençons par le Fonds national juif (F.N.J.). Cette institution, qui date des tout débuts du mouvement sioniste et est soutenue par TOUS les sionistes, de gauche comme de droite, cette institution a tout simplement pratiqué une discrimination raciale de la pire espèce. Le F.N.J. achetait une terre, grande ou petite, parfois même tout un village, et s’empressait d’en chasser les non-Juifs, tous ceux dont le seul crime était d’être nés de mère non juive. Je voudrais ici souligner que cette expulsion s’appliquait aux enfants, aux femmes, aux malades — à tous. Qualitativement différent de l’« habituelle » oppression capitaliste économique pratiquée dans la plupart des pays, ce type d’oppression est en fait pire encore. Un capitaliste ne persécute pas spécifiquement ceux qui n’ont pas la mère qu’il faut, l’oppression capitaliste écrase une classe définie en termes économiques et non pas en termes de race, et, tout au moins pour ce qui est des cent dernières années, l’oppression de cette classe exploitée a connu certaines limites dans la plupart des pays. Aux Etats-Unis mêmes, les « barons du vol » ouvraient des soupes populaires pour les pauvres en période de crise économique sans s’inquiéter de l’origine des enfants qu’ils y nourrissaient. Tandis que cette oppression pratiquée par le F.N.J. à l’encontre de tout Palestinien et de ses possessions, du simple fait qu’il est Palestinien et pas Juif, ne peut se comparer qu’aux opinions et aux actes des antisémites de la pire espèce. C’était le régime tsariste qui interdisait aux Juifs de résider dans certaines régions de la Russie — simplement parce qu’ils étaient Juifs, sans aucune autre raison à l’appui. C’est le régime nazi qui devait diviser les citoyens allemands entre Juifs et non-Juifs, imposant ainsi des restrictions à une certaine catégorie d’êtres humains du fait de leur origine raciale. Du point de vue moral, il n’y a aucune différence entre les actes du F.N.J. et les lois de Nuremberg ou les ordonnances tsaristes, si ce n’est que le F.N.J. poursuit toujours cette politique.
Ici, il faut souligner que la grande majorité des terres acquises par les sionistes en Palestine jusqu’en 1948 sont tombées dans un domaine raciste en étant vendues ou données au F.N.J. Il est parfaitement hypocrite à mon sens d’insister, comme le fait Irène L. Gendzier et tous ces défenseurs du sionisme, sur le fait que toutes ces terres ont été achetées avec de l’argent. Car il existe tout un monde entre des opérations de vente ou d’achat de terre — ou de tout autre bien — sur un marché libre en vue d’une utilisation économique bonne ou mauvaise et le fait de se rendre acquéreur de ces biens pour renforcer la discrimination raciale. Il serait on ne peut plus facile de déposséder les Juifs vivant dans d’autres pays de leurs biens et de leur gagne-pain en créant des institutions discriminatoires parallèles au F.N.J. — contre les Juifs ! Ces mêmes défenseurs du sionisme qui soutiennent, ouvertement ou non, le F.N.J. en Palestine militent en fait dans d’autres pays pour ce qu’ils appellent « la lutte contre le racisme et l’antisémitisme » et pour « les droits de l’homme ». Non contents d’ajouter l’hypocrisie au crime, ils s’efforcent très clairement de s’infiltrer dans les rangs de tout mouvement progressiste pour le mieux corrompre. Us sont prêts à user du chantage émotionnel de la pire espèce en menaçant de ne pas accorder leur soutien à diverses causes progressistes si jamais leurs camarades s’aventuraient à faire connaître leur opinion sur le racisme et la discrimination pratiqués par le sionisme.
Il faut insister sur le fait que le F.N.J. et ses pratiques ne sont pas du domaine du passé. En Israël, la majeure partie de la terré appartient au F.N.J. qui l’administre, et tout, citoyen israélien que le ciel n’a pas gratifié du privilège — qui fut celui d’Irène L. Gendzier — de sortir du ventre d’une mère juive n’a, sur toutes ces terres, pas le moindre droit de vivre. C’est le cas de tous les kibboutzim en Israël. Aharon Cohen — auquel Irène L. Gendzier adresse tant de louanges — vit au sein d’une institution raciste du nom de « Kibboutz Sha’ar Ha’amakim » , et c’est là avant tout ce qu’il m’importe de savoir à son sujet.
Je n’accorde aucun crédit aux bonnes intentions de ceux qui ont une pratique raciste dans leur vie quotidienne. Je suis certes prêt à me joindre aux critiques formulées à l’encontre du roi Fayçal qui impose des discriminations aux Juifs dans son royaume, mais, parallèlement, je demande à tous ceux qui s’intéressent aux problèmes du Proche-Orient de se joindre à mes critiques lancées contre le racisme institutionnalisé du F.N.J. et de l’ensemble du mouvement sioniste — dont le F.N.J. n’est jamais qu’une expression — et, qui plus est, de toute personne qui offre son argent pour soutenir cette cause raciste.
Et les « sionistes progressistes » , qu’ont-ils fait, au juste ?
Tous ces sionistes, objets des louanges d’Irène L. Gendzier (Chaim Weizmann, Ruppin, Kavarisky, Ben Gourion, Arsoloroff, Aharon Cohen et bien d’autres…), travaillaient en fait pour le F.N.J. et se livraient de surcroît à des opérations frauduleuses qu’Irène L. Gendzier qualifie de « tentatives de négociations avec les Arabes » . En fait, la question était toujours double : tromper les Arabes et les Palestiniens quant aux intentions véritables du sionisme et surtout pour ce qui est de la discrimination raciale appliquée par les institutions sionistes en divisant les Palestiniens et les autres Arabes, en achetant ou en s’alliant à des « Quisling » palestiniens ou arabes pour mieux préparer la « solution finale » dont tous les sionistes ont accepté en pratique le principe, c’est-à-dire chasser le plus grand nombre possible de Palestiniens de leur propre pays. Tout cela, Irène L. Gendzier (en bonne sioniste) le sait et l’accepte : « Chaim Weizmann, écrit-elle, a rencontré plusieurs fois Abdullah de Transjordanie, qui se préoccupait d’ouvrir son pays aux capitaux juifs et était prêt à organiser le transfert des Palestiniens sur son territoire » (introduction, p. XXXV ; c’est moi qui souligne). Elle semble d’ailleurs bel et bien regretter que la « solution » n’ait pas été réalisée en 1967, car elle décrit les Palestiniens des territoires occupés comme « la grande masse de la population qui n’est pas partie cette fois » (p. XXI ; c’est moi qui souligne). Là encore, elle ne dit rien, pas un seul mot de regret sur le fait qu’environ un tiers de la population des territoires occupés a été expulsée après 1967 — et je dis bien expulsée et non pas « est partie » , comme disent les sionistes, y compris Irène L. Gendzier. Il faut ajouter que les Palestiniens, connus pour leur intelligence, leur dévouement et leur activité, se font expulser tout le temps sans qu’aucun de ces hypocrites de sionistes ne prenne la peine d’ouvrir la bouche pour dénoncer ce crime contre l’humanité !
Mais ces activités actuelles du sionisme prennent directement racine dans le passé. Le Dr Ruppin, auquel Irène L. Gendzier décerne tant de louanges (p. XXXVIII), a beaucoup travaillé sur un plan visant à expulser tous les Palestiniens de Palestine aux environs d’Alep en Syrie, et ce dès mai 1911 (Cf. W. Laqueur, Histoire du sionisme, p. 181, en hébreu). Plus tard, en contribuant à fonder sa fausse « Brit Chalom » (Alliance pour la paix ‒ N.d.T.), dont Irène L. Gendzier dit tant de bien (p. XXXVIII), il ne se donna pas la peine de faire connaître aux Palestiniens en 1926 la nature de ses anciens plans, ni d’exprimer le moindre regret à ce sujet… Rien ne fut donc plus simple pour lui que d’abandonner la « Brit Chalom » après quelques années pour revenir à la doctrine de la guerre permanente que Moshé Dayan (également qualifié d’« honnête » par Irène L. Gendzier, p. XV) devait lui emprunter. La doctrine de Moshé Dayan (qu’Irène L. Gendzier ne cite pas) consiste à dire : « Le peuple juif a une mission à remplir et plus particulièrement sa branche israélienne qui dans cette partie du monde doit être un bastion, un avant-poste du monde occidental, où les vagues du nationalisme arabe nassérien viendront se briser » (Haaretz, 12 décembre 1958). Cette doctrine descend non seulement en ligne directe de Herzl, mais aussi de Ruppin, et n’est jamais que l’incarnation politique du racisme du F.N.J. pratiqué sur place.
De surcroît, il existe des sionistes « progressistes » qui se sont lancés dans des activités qui correspondent exactement à celles d’une « cinquième colonne » au sein des Palestiniens, sous le faux semblant du « rapprochement » . Le père de cette théorie est Kalvarisky, dont les activités des années vingt sont décrites on ne peut plus en détail dans le livre The Emergence of Palestinian Arab National Mouvement, 1918-1929 (Londres, 1974), par Joshua Porath (qui fait partie des sionistes honnêtes).
Kalvarisky devait soudoyer quelques Palestiniens des plus réactionnaires pour fonder des « associations musulmanes » qui, sous sa direction, incitaient les Palestiniens musulmans contre les Palestiniens chrétiens. D’autres associations, financées elles aussi par l’organisation sioniste par l’intermédiaire de Kalvarisky, se donnaient le nom d’« associations agricoles » avec leur « programme » qui était en fait dicté par Kalvarisky. Il graissait la patte à d’autres Palestiniens dont le rôle consistait à se déclarer malades dans le but d’annuler des congrès Palestiniens. Toutes ces tentatives de « rapprochement » qu’Irène L. Gendzier tire des livres du sioniste raciste Aharon Cohen n’ont jamais eu pour les sionistes qu’un seul but : faire jouer une cinquième colonne destinée à embrouiller l’ennemi pour mieux l’achever. Aucun effort de coopération véritablement humaine ne fut jamais tenté : aucune protestation commune contre le racisme, personne ne devait se donner la peine de les avertir des plans de destruction d’hier ou de demain.
L’Etat d’Israël aujourd’hui
Le succès des plans sionistes se vérifie dans les conditions où vit actuellement la minorité arabe au sein de l’Etat d’Israël, sujet qu’Irène L. Gendzier se garde bien d’aborder. Elle se limite à la politique d’immigration et aux expropriations du passé. Mais la vérité est bien différente. Le F.NJ. ne se contente pas d’empêcher les Palestiniens de vivre dans la majeure partie de leur patrie, il est possible en Israël d’empêcher les Palestiniens, à titre d’exemple, d’élever de la volaille. La méthode est très simple : l’organisme officiel de l’aviculture refuse 1) l’autorisation de vendre les œufs ou les poussins aux Palestiniens israéliens ; 2) s’ils l’obtiennent par des moyens détournés, ils se voient refuser le « prix garanti » que n’importe quel Juif israélien obtiendra ; 3) et si jamais ils sont prêts à prendre le risque, le gouvernement refusera de leur vendre la nourriture pour les poulets, dont l’importation est un monopole d’Etat. Un grand nombre de professions se trouvent ainsi absolument interdites aux Palestiniens dans leur propre patrie. Par exemple, la taille du diamant.
Les ministères israéliens possèdent de surcroît des services racistes appelés « bureaux de minorités » qui font officiellement autorité pour n’importe quel type d’activité. En Israël, la santé d’un Palestinien est officiellement différente de celle d’un Juif, et le ministère de la Santé possède un bureau spécial pour la « santé des minorités » . De même, le ministère de l’Habitat possède son bureau pour « l’habitat des minorités » qui est actuellement très occupé à dépeupler la Galilée de ses habitants palestiniens pour les repousser vers le « Petit Triangle ». Là aussi, la méthode est simple : le bureau raciste refuse aux Palestiniens de Galilée des permis pour la construction de leurs propres maisons, par leurs propres moyens, sur celles de leurs terres qui sont encore en leur possession, mais en revanche accorde à profusion des permis pour des constructions de toutes tailles sur le « Petit Triangle ». Cela est supposé venir en aide au plan officiel de « judaïsation de la Galilée» pour lequel le raciste Liuba Eliav, qu’Irène L. Gendzier loue tant, s’est dernièrement porté volontaire.
Je serais très curieux de connaître les sentiments d’Irène L. Gendzier si jamais l’Etat du Massachusetts s’avisait de s’occuper de ses conditions d’habitat en tant que juive, dans le même esprit que ses amis le font pour les Palestiniens.
Mais l’expression la plus frappante du racisme officiel pratiqué par l’Etat d’Israël nous est offerte par le. Statistical Abstract of Israël, publié chaque année en anglais et en hébreu par le gouvernement. En l’ouvrant, vous découvrirez qu’en Israël, pour tout ce qui est de là vie des hommes, il n’y a pas d’Israéliens : seulement des Juifs et des non-Juifs. Officiellement, il n’y a pas de bébés en Israël 7 : il n’y a que des bébés juifs et non juifs. Personne ne meurt de maladie dans ce pays. Seuls des Juifs et des non-Juif s le font. Les fermes ne produisent pas de légumes, mais la moindre tomate est cataloguée selon qu’elle provient d’une ferme juive ou d’une ferme non juive. Tout cela n’est pas le fait du hasard. Mais c’est là la réalité du sionisme. Et tous les sionistes — en dépit de leurs divergences par ailleurs — trouvent que le but essentiel de « l’Etat juif » est de différencier dans toute la mesure du possible et dans tous les aspects de la vie entre Juif et non-Juif. Les « sionistes progressistes » , de leur côté, sont volontaires pour tromper le monde sur cet état de choses !
Plans d’expulsion et de génocide
Pour des gens comme moi, à l’intérieur d’Israël, notre plus grand sujet de colère c’est l’attitude des sionistes face aux plans, ouvertement proclamés, de destruction de divers peuples arabes. Et ce sont les mêmes qui ne cessent de répéter l’inquiétude qu’ils ressentent face à la menace qui pèse sur la communauté juive en Israël, et qui se refusent à ouvrir la bouche pour parler des plans détaillés élaborés dans le passé ou proposés pour l’avenir pour la destruction d’autres communautés du Proche-Orient, que ce soit par l’exil ou par l’anéantissement physique.
Les plans sionistes visant à la destruction des Palestiniens par l’exil sont bien connus. J’ai déjà mentionné ici le plan de Ruppin en 1911 et celui de Weizmann en 1930, qui ont eu droit aux louanges d’Irène L. Gendzier, puis un plan de génocide, par l’expulsion de tous les Palestiniens de Palestine à Él-Jezirah (en Mésopotamie du Nord), que l’on doit à Joseph Weitz, directeur du F.N.J., en 19401942. Il devait se montrer très explicite : « Nous ne devons pas laisser un seul village, une seule tribu » (Y. Weitz, Journal, vol. II, p. 181-182). Sharett, Ben Gourion et Kaplan approuvèrent ce plan et donnèrent des fonds à Weitz pour qu’il puisse se rendre sur place dans la région d’El-Jezirah et vérifier les possibilités d’implantation. En chemin, il devait s’arrêter au kibboutz « Mishmar Ha Emek » , haut lieu du Hashomer Hatzair (qui fait maintenant partie du Mapam, dont fait partie Aharon Cohen !), et ces « défenseurs du binationalisme » ne s’opposèrent nullement au principe de ce plan de génocide, et bien sûr ne prirent jamais la peine d’avertir leurs « camarades » arabes du sort qui pouvait les attendre (Y. Weitz, Journal, p. 215). En 1948, ils devaient d’ailleurs, comme tous les autres sionistes, prendre part aux expulsions (Ibid., p. 300-302).
Tous ceux qui se sentent réellement concernés par le sort des êtres humains au Proche-Orient devraient savoir que les sionistes de nos jours encore préparent des plans bien plus terribles contre diverses communautés arabes ; et aucun sioniste, pour autant que je sache, n’a jamais protesté ou lancé un avertissement. En 1971, un éminent expert en stratégie d’Israël (Benjamin Amidror, de nos jours collègue de Uri Avnery dans Haolam Haze) devait explicitement proposer de bombarder le barrage d’Assouan et provoquer « l’inondation de toute l’Egypte jusqu’à la Méditerranée» (Haaretz, 4 février 1971). Aucun sioniste progressiste n’a jamais protesté. Juste après la guerre d’octobre 1973, Haaretz révéla qu’« un officier du plus haut rang » avait décrit un plan officiel israélien « destiné à frapper un tel coup chez les Egyptiens qu’ils ne pourraient plus songer à la guerre avant des générations, car nous allons exterminer tous ceux qui nous combattront, à l’exception peut-être des petits enfants et des vieillards » (Haaretz, 12 novembre 1973). Je défie Irène L. Gendzier de trouver un seul sioniste « progressiste » ou « socialiste » qui ait jamais lancé un avertissement ou condamné ce type de nazisme juif, que ce soit en Israël ou à l’étranger. Et, bien plus encore, je défie Irène L. Gendzier en personne d’exprimer par écrit, même à l’heure actuelle, son opinion sur cette très sérieuse menace de génocide. On connaît depuis diverses autres menaces de génocide proférées par les Israéliens à l’encontre de nombreuses communautés arabes. En voici quelques autres exemples :
— Yediot Aharonot du 23 juillet 1974 : le Premier ministre Rabin propose de transplanter un quart de million de Palestiniens de la bande de Gaza en Jordanie.
— Haaretz du 19 juillet 1974 : Yo’el Marcus, l’un des principaux observateurs politiques israéliens, proche du gouvernement, lance l’idée de « porter un coup fatal » au barrage d’Assouan et aux champs pétrolifères arabes « et de détruire les capitales arabes » .
— Haaretz du 26 juillet 1974 : comment les bombes atomiques israéliennes peuvent anéantir les trente-cinq millions d’Egyptiens avec énumération détaillée des cibles possibles. « Au Caire, il y a plus de six millions d’habitants et avec la banlieue plus de dix millions, plus de deux millions à Alexandrie ainsi que cinq autres villes qui comptent plusieurs centaines de milliers d’habitants. Compte tenu du degré d’éducation, des capacités et de l’utilité des paysans, nous trouverons que la majeure partie du potentiel socio-militaire de l’Egypte est concentrée dans quelques grands centres. Le barrage d’Assouan constitue une cible supplémentaire. En nous y attaquant, nous pouvons causer des catastrophes dans de vastes régions de la vallée du Nil. En Syrie aussi il existe une grande concentration autour des villes, et en Jordanie la capitale constitue le plus gros de l’Etat. »
Tous ces articles parus au cours d’un seul mois ! Pas un seul sioniste « progressiste » n’a protesté, ou n’a essayé de prévenir le reste du monde de ces propositions des plus sérieuses (à mes yeux) !
Un appel à l’honnêteté la plus élémentaire
Une chose doit être claire : un peuple se compose d’individus qui sont des êtres humains, et, quelle que soit l’importance des droits nationaux, les droits élémentaires de l’homme passent avant les droits nationaux. J’estime donc que celui qui exprime sa « sympathie » pour les droits nationaux des Palestiniens — en termes vagues et imprécis — sans jamais ouvrir la bouche pour dénoncer la discrimination raciale dont ils sont l’objet à titre individuel et collectif du fait de l’ensemble du mouvement sioniste, sans jamais les avertir de l’existence de plans de génocide, sans jamais parler de ce qui fut depuis toujours l’œuvre des dirigeants sionistes, sans jamais protester contre ces menaces de génocide qui pèsent sur tout groupe humain quel qu’il soit au Proche-Orient, celui-là non seulement est un hypocrite, mais de plus il se fait l’artisan des véritables buts du sionisme. Le « rôle de l’impérialisme » , les « grandes puissances » , ne sert alors que de prétexte pour faire oublier que le racisme du sionisme et ses plans de génocide sont pires que tout ce qui peut être attribué à l’impérialisme en soi (et je ne cherche pas à faire l’apologie de l’impérialisme !). Les faits sont là pour démontrer que la politique des autorités du mandat britannique était nettement moins raciste que celle du mouvement sioniste et de l’Etat d’Israël, et d’ailleurs Irène L. Gendzier et ses amis du Hashomer Hatzair (Mapam) lui reprochèrent surtout de ne pas avoir été assez raciste ! Prenons par exemple le livre Le Mandat et son économie (Publié en 1946 par l’Association ouvrière du livre — Hashomer Hatzair Palestine) de K. Navretzky, où l’auteur déplore de voir que le gouvernement britannique ne publie pas assez de statistiques racistes, du fait surtout qu’il ne différencie pas dans tous les domaines ce qui est juif de ce qui ne l’est pas. L’auteur se fait l’écho d’une protestation soulevée par toute l’aile « socialiste » du mouvement sioniste de l’époque, qui considérait que l’argent pris aux Juifs sous forme d’impôts devrait être dépensé pour les Juifs et que l’« impérialisme » britannique commettait une injustice en dépensant l’argent prélevé sur les riches Juifs pour les pauvres non-Juifs ! On protestait particulièrement contre les subsides accordés aux produits alimentaires (Ibid., p. 238-300. L’auteur « socialiste » déplore particulièrement le fait que le gouvernement britannique interprète mal la charte du mandat en faisant de sa politique économique « un instrument pour l’égalité » !). La situation n’a d’ailleurs pas changé. Ces amis « socialistes » d’Irène L. Gendzier s’indignent du fait que les subsides des produits alimentaires du gouvernement israélien profitent aussi aux Palestiniens pauvres des territoires occupés, et c’est l’une des raisons qui expliquent que ces subsides ont été récemment abolis sur le pain, le sucre, l’huile, etc.
Comme d’autres défenseurs du sionisme, Irène L. Gendzier se fait l’avocat d’une limitation de l’intervention des grandes puissances au Proche-Orient. Mais comme elle n’accompagne pas cette plaidoirie d’une critique du racisme sioniste ou d’un avertissement quant aux plans de génocide, son action revient en fait à soutenir activement l’expansion sioniste, qui est pire que tout impérialisme des grandes puissances, non seulement pour les Palestiniens, mais pour tous les habitants du Proche-Orient, y compris les Juifs israéliens. Sans minimiser le danger ou le mal fait par l’intervention de l’impérialisme étranger, surtout lorsqu’il soutient le sionisme, je lance un appel à tous ceux qui luttent au Proche-Orient ou à l’étranger. Je leur demande de mettre la lutte contre le sionisme et le travail d’explication sur la nature du sionisme en priorité absolue. A mon avis, la meilleure façon de le faire est de lutter pour le respect plein et entier des droits individuels de l’homme, sans discrimination de race, de religion, de nationalité ou de sexe.
Sous la bannière de « Justice égale pour tous les êtres humains » , tous les vrais progressistes peuvent s’unir dans l’immédiat, en dépit de leurs divergences politiques, et aucun défenseur hypocrite du sionisme ou de la réaction ne sera plus à l’abri. Sous cette bannière, nous qui luttons et attachons de l’importance aux êtres humains, à tous sans exception, sans s’inquiéter de la nature du ventre dont ils sont sortis, pouvons commencer par éliminer les hypocrites qui sont nos plus redoutables ennemis et, à force d’efforts et de patience, espérer vaincre.
[voir le suivant : Chronique : La guerre du Liban ‒ par Nada Cadir]