L’impact de la colonisation sioniste sur la société palestinienne est mieux connu, encore que les études proviennent presque exclusivement de sources occidentales, et en premier lieu sionistes. Le but de ce chapitre n’est pas tellement d’entrer dans la polémique sur les bienfaits et méfaits matériels de la colonisation sioniste pour le peuple palestinien — ou le fameux débat démographique (y avait-il une grande immigration arabe vers la Palestine pendant le mandat, ou l’augmentation de sa population ne serait-elle imputable qu’à son fort taux de naissance, accru par suite de l’amélioration des services d’hygiène et de santé ?) —, mais d’examiner les répercussions sur l’évolution de la structure sociale palestinienne. La conclusion de l’étude de N. Weinstock sur le sujet, si elle n’épuise pas la question, expose clairement les contours : « La colonisation sioniste, qui a eu sans conteste un effet favorable sur les niveaux de l’agriculture et de la santé de la Palestine, y a construit une société où les capitalistes hébreux exploitaient un prolétariat hébreu, en appliquant des principes ségrégationnistes spécifiques — aux dépens des Palestiniens. Cet aspect de l’idéologie sioniste l’a empêché de remplir la fonction historiquement progressiste du colonialisme — la généralisation du mode de production capitaliste. Les victimes de l’entreprise n’étaient pas non plus en mesure de mener une lutte conséquente pour leur autodétermination, puisque les principes de base de la colonisation juive introduisirent une distorsion de la structure sociale palestinienne et un handicap au développement d’une bourgeoisie et d’une classe ouvrière palestiniennes, qui normalement auraient dû se succéder comme porte-drapeau de la lutte de libération nationale » (N. WEINSTOCK, « The Impact of Zionist Colonization on Palestinian Arab Society », Journal of Palestine Studies, vol. II, n° 2, hiver 1973). Encore que, comme le mentionne N. Weinstock, à la fin du mandat britannique, sous l’effet de boom économique industriel pendant la guerre de 1939-1945, une prolétarisation rapide a eu lieu, mais celle-ci fut éphémère, tardive et, surtout, elle intervint après que le mouvement national palestinien eut été écrasé pendant la grande révolte de 1936-1939.
Nous passerons en revue, très brièvement, l’évolution dans les deux secteurs productifs, l’agriculture et l’industrie.
a) L’agriculture palestinienne
Un bref retour historique s’impose ici. Peu d’études chiffrées existent sur la période antérieure au mandat britannique et à la pénétration sioniste massive. Néanmoins, les études partielles, les monographies ponctuelles et les récits de voyageurs attentifs dégagent un certain nombre de données sur lesquelles s’accordent les chercheurs sérieux et qui se recoupent avec les enquêtes menées à partir des années 1920. Résumons-les :
— Les conditions de production et surtout le régime foncier subissent une mutation certaine, accélérée depuis le milieu du XIXe siècle, sous les coups de boutoir de la pénétration impérialiste capitaliste et dans la foulée de a désagrégation de l’Empire ottoman. Mais la structure sociale patriarcale garde son emprise favorisée par l’occupant étranger, d’abord ottoman puis par la puissance mandataire et, de façon non moins prononcée, par les autorités sionistes (cela jusqu’à nos jours).
— Une coupure assez nette entre les villages et l’agriculture des vallées et ceux de la montagne, ces derniers bénéficiant d’une meilleure protection, à tous égards, face à la pénétration extérieure et à l’arbitraire des autorités centrales.
— Les colonisateurs sionistes ont pu bénéficier à la fois de la mutation intervenue (concentration de grandes propriétés foncières dans les vallées entre les mains des propriétaires absentéistes qui, attirés par l’appât du gain, les vendaient facilement) et de la subsistance des anciennes structures à la campagne. N’oublions pas que, jusqu’à 1947-1948, les sionistes ne faisaient qu’acheter les terres (en dehors des terres reçues en concession de la puissance mandataire).
Sur le premier point — mutation des formes de propriété et, secondairement, des conditions de production —, il est intéressant de noter les raisons de la concentration des terres en grandes propriétés privées dans les vallées (Voir à ce sujet A. GRANOTT, The Land System in Palestine, London, 1952).
a) Les raisons de sécurité amènent les paysans à se mettre sous la protection des plus grands et puissants qui deviennent dans le temps propriétaires. Deux types d’insécurité : les bandes armées, souvent les bédouins, et l’arbitraire du pouvoir central. Les riches organisent la protection en payant les rançons exigées, mais surtout interviennent auprès des autorités. On retrouve la fonction du notable.
b) Le poids écrasant des impôts, jusqu’à la moitié de la récolte, et en général pas moins d’un tiers. Les impôts étaient ramassés par les fermiers des impôts, des commerçants, hauts fonctionnaires, officiers, sheikhs, bédouins, etc., qui achetaient le droit de lever les impôts. Parfois, pour échapper au poids des impôts et pour jouir de plus de sécurité, les paysans « donnèrent » leur terre au Waqf, tout en restant sur celle-ci avec un droit de location permanent passant en héritage.
c) L’endettement, avec l’expansion de l’économie monétaire, moyen classique d’accaparement de la terre. Selon une enquête gouvernementale de 1930, l’endettement moyen d’une famille de fellahin était de 27 livres palestiniennes, et l’intérêt annuel de 8 livres, soit environ 30 %, cependant que le revenu moyen d’une famille paysanne était aussi entre 25 et 30 livres (JOHNSON-CROSBIE, Report of a Committee on the Economie Conditions of Agriculturists in Palestine, and the Fiscal Measures of Government m Relation Thereto, Government of Palestine, 1930).
d) La protection des citadins près du pouvoir était recherchée pour échapper au long service militaire. Lorsqu’en 1858 le gouvernement rendit obligatoire l’enregistrement des terres, qui légalement restaient propriété du sultan (terre mîrî), des paysans et villages entiers parfois préférèrent éviter le contact avec les autorités, par crainte d’attirer leur attention et des nouveaux impôts ou la mobilisation pour l’armée. La terre était alors enregistrée au nom des notables de la ville.
e) L’imbroglio juridique, par suite des procès entre villages ou entre groupes de familles (hamula), les procès intentés par les autorités, les frais encourus laissèrent parfois la terre entre les mains des avocats qui se la partageaient. En général, l’ignorance des paysans était un rude facteur de leur exploitation.
f) Enfin, l’intérêt pour la terre manifesté par les nouveaux venus d’outre-mer comme les templiers allemands et ensuite — et surtout — les colonisateurs sionistes créa une nouvelle incitation puissante pour s’accaparer des terres en vue de leur vente avec des profits substantiels. On cite l’exemple, extrême sans doute, de la famille Soursouk, banquiers de Beyrouth, qui acheta en 1872 des terres gouvernementales dans la vallée de Jezréel avec vingt villages dessus, soit 230 000 dunams (23 000 hectares), pour l’équivalent de 18 000 livres sterling, dont 6 000 versées au Trésor ottoman, et le reste aux puissants de l’échelon local jusqu’au pouvoir central ; les impôts rapportaient 4 000 livres par an (Soursouk était le fermier d’impôts), les revenus des terres évalués à un minimum de 20 000 livres et pouvant atteindre 40 000 ; enfin, quelques dizaines d’années plus tard la terre fut vendue aux autorités sionistes pour la somme rondelette de quelque 900 000 livres. Les paysans arabes chassés de leur terre reçurent des autorités sionistes comme indemnisation une demie livre sterling par personne (Selon Christopher SYKES, Crossroades to Israël, London, 1965, p. 119. Voir aussi M. OFFENBERG, Geschichte der Kommunistischen Partei Paîaestinas (P.K.P.)…, op. cit.). Laurence Oliphant, qui est la source de ces chiffres (sauf pour le montant de la vente aux autorités sionistes), conclut : « Tout compte fait, le pays a bénéficié de son opération : les Arabes ont été chassés [la tribu de Béni Sukhr qui auparavant rançonnait la région], et bien que je n’aie pas observé que ceux de ses villages que j’ai visités aient été mieux installés ou plus prospères que les autres villages de la région, c’est grâce à la protection puissante d’un seul homme riche que ces villages continuent à exister » (L. OLIPHANT, The Land of Gilead, Edinburgh and London, 1880).
Le résultat est qu’en 1936 (on n’a pas de chiffres plus anciens), selon une enquête gouvernementale de l’époque, 27 % des terres étaient en grandes propriétés — plus de 1 000 dunams —, 36 % en propriétés moyennes — 100 à 1 000 dunams (Les propriétés moyennes en taille comprennent les plantations, en premier lieu d’agrumes, qui s’étaient développées a grande allure sous le mandat : 300 000 dunams d’agrumes en 1939, dont près de la moitié dans le secteur arabe. Or, une plantation de plusieurs centaines de dunams est une grande propriété) —, 37 % en petites propriétés. Selon une autre enquête du début des années 1920, 144 familles possédaient 3 130 000 dunams, soit en moyenne 22 000 par famille. Le chiffre des paysans, métayers ou sur des terres en location à court terme — les deux systèmes étaient en vigueur —, n’est pas connu. Selon une étude de la commission Johnson-Crosbie, 32 % de la terre étaient cultivés par des paysans non propriétaires.
Et voici tout de suite l’autre versant de cette réalité. Jusqu’en 1947, 1 850 000 dunams avaient été acquis par les Juifs, dont 55 % des mains de grands propriétaires absentéistes, 10 % des concessions gouvernementales, 7 % des mains des diverses Églises et 27 % des paysans, la plupart grands ou moyens propriétaires résidents (GRANOTT, op. cit). Si les acquisitions sionistes n’étaient que de 6 % de l’ensemble des terres de la Palestine, elles représentaient entre 35 et 40 % des terres cultivables (38,6 % selon A. Granott. Dans les cercles pro-palestiniens, on mentionne le plus souvent le chiffre clé de 6 % comme preuve de l’insuccès de la pénétration sioniste avant 1948. Chiffre faux, qui sert à masquer le rôle des classes possédantes et chefs patriarcaux dans la spoliation de leur propre peuple). L’avoir acquis, légalement, en si peu de temps — pour la plus grosse partie pratiquement en un peu plus d’un quart de siècle —, démontre toute la faiblesse de la structure sociale de grands propriétaires terriens en Palestine. Fouad Raouf ajoute en citant un mémorandum arabe de 1945 selon lequel sur un échantillon (?) de 841 699 dunams vendus, 461 150 l’ont été par des propriétaires arabes non palestiniens : 23 Libanais, 8 Syriens, 1 Égyptien et 1 Iranien (Villages Statistics, 1945, a Classification of Land and Area Ownership in Palestine).
Ces chiffres prennent une allure encore bien plus significative quand on se rappelle qu’il s’agissait des terres les plus fertiles dans les grandes vallées. Il y avait peu d’acquisitions sionistes en régions montagneuses. Il y a plusieurs raisons à cela. Certes, ces terres étaient moins fertiles, mais il y avait aussi une structure agraire différente.
La différence entre l’agriculture de montagne et de plaine en Palestine date depuis longtemps. La propriété individuelle privée était répandue à la montagne a une époque où la propriété collective était encore la règle dans la plaine ; en outre, l’agriculture de montagne était plus variée que la grande culture céréalière (falha) de la plaine. Plusieurs raisons à ces différences, la principale, et de loin, étant la plus grande sécurité face aux bandes armées, et surtout le fait d’être mieux à l’abri de 1 arbitraire du pouvoir central.
On se concentrera par la suite sur la campagne agricole de la plaine, puisque c’est surtout elle qui a subi le choc sioniste. Le système de la propriété collective mushâa y est resté jusqu’à tout récemment. En 1918, on estimait à 70 % la part des terres mushâ’a en Palestine et en 1930 encore à environ 50 % (commission d’enquête Johnson Crosbie). Le fellah était du type « paysan » qui a comme souci de subsister, et non pas du type « fermier ». qui a l’optique d’investir et d’améliorer la terre, dit H. Rosenfeld (« From Peasantry to Wage Labor… », loc cit). En 1930, la production pour l’autoconsommation atteignait encore 80 % de l’ensemble. Or, « le système de redistribution des terres de la “communauté”, qui ne détruisit pas en soi l’existence des paysans, fut le résultat de la domination féodale. Son but était de lier le cultivateur au village, de fixer une rotation de culture biou triennale, avec froment ou seigle et sorgho, d assurer l’approvisionnement et le ramassage régulier de la récolte pour le paiement des taxes. Le système de la redistribution des lots était aussi la règle dans un grand nombre de villages de métayers, empêchant de plus l’introduction des améliorations, les constructions fixes et les droits permanents sur la terre » (Ibid).
Avec le déclin du système collectif, on assista à un phénomène de concentration-dispersion des terres. Nous avons déjà énuméré les facteurs de concentration ; ceux de la dispersion en petites propriétés mal adaptées à une exploitation moderne sont un résultat du système communautaire (et des coutumes d’héritage). Si les terres communautaires doivent être distribuées entre les familles en lots égaux, chacune reçoit des parcelles éparpillées des terres proches et lointaines, bonnes et mauvaises, etc.
Aujourd’hui, parmi les Palestiniens restés en Israël (voir plus loin l’article de L. Rozensztroch), la propriété collective a disparu, 80 % des paysans travaillent sur leur propre terre (celle qui a échappé aux confiscations), toute la structure socio-économique s’est modifiée radicalement, et pourtant la structure socio-politique garde encore l’essentiel de sa vigueur.
Une enquête sociologique détaillée faite dans un village arabe en Israël révèle que les métiers agricoles y ont baissé de 83 % de l’occupation de la population masculine en 1920-1925 à 18 % en 1963. La part des commerçants, artisans et ouvriers a progressé de 17 % en 1920-1925 à 66 % en 1963. En outre, et en plus de la population active locale, alors que dans la première période il n’y avait ni élèves de l’enseignement secondaire, ni personnes habitant en permanence hors du village, le pourcentage de ces derniers dépassait les 10 % du total en 1963. Or, des choses essentielles — à commencer par le régime matrimonial, à la base de la puissance de la famille patriarcale et de la hamula (groupe de familles patrilinéaires, clan) — sont restées dans l’état ancien. « Dans le village étudié, au cours des quatre-cinq dernières générations, 30 % des mariages étaient entre cousins germains (priorité aux cousins paternels) et à l’intérieur de la hamula, et encore 40 % des mariages à l’intérieur du village. Au cours des dix dernières années, près de 60 % des mariages s’effectuèrent entre cousins et encore 25 % à l’intérieur du village » (Ibid).
Les clans familiaux, ou les clans regroupés en fractions, forment une base idéale de division, utilisée par le pouvoir : « A cause de la non-différenciation entre individus et familles et de la non-formation de distinctions de classe, c’est la lutte pour la subsistance entre groupements de force plus ou moins égale qui prit le devant […] ; le potentiel fractionnel de la lutte entre les hamulas pour leur position et leur existence (dans le village et entre les villages) fut utilisé par les potentats locaux, les gros commerçants, les propriétaires terriens, etc. […] L État la Israël] soutient de nos jours le système des hamulas comme le firent jadis, sous une forme plus extrême, les pouvoirs mandataire et ottoman. […] De nos jours, toujours, après la disparition des potentats féodaux, des privilèges sont accordés au moukhtars (chefs de village) ou chefs de certaines hamulas, tant qu’ils peuvent assurer l’obéissance de leurs membres. […] L’État et les patriarches, chacun pour ses raisons propres, sont intéressés à maintenir dans l’état actuel les relations sociales familiales existantes, et ces dernières sont en contradiction avec le processus de modification profonde de la structure économique et socioprofessionnelle du village » (Ibid).
Nous avons fait cette excursion au-delà de la période de ce chapitre, car, étant donné la continuité du processus décrit, ses effets se sont exercés pendant toute la période d’affrontement avec le sionisme et les puissances extérieures. Mais cet exposé est trop bref, il y aura heu de revenir sur les aspects fondamentaux de la lutte des générations, l’oppression des jeunes, et surtout l’oppression des femmes.
b) L’industrialisation bloquée
La spécificité de la Palestine, qui la différencie de l’évolution prise dans les pays voisins à structure comparable (Syrie, Liban et, à moindre degré, Égypte et Irak), c’est le blocage de la sortie vers une industrie plus moderne, même limitée, comme ce fut le cas ailleurs, contribuant ainsi à accentuer les tendances au maintien des structures patriarcales, et qui se caractérise aussi par ce type de lutte en explosion de révoltes répétées, récupérées ou contrôlées par les chefs traditionnels avec l’aide des classes au pouvoir dans les pays arabes (La grande révolte de 1936-1939 est à cet égard caractéristique de toute la lutte palestinienne pendant cette période : échec de la phase soutenue par les éléments les plus avancés de la société palestinienne ‒ grève générale d’avril à octobre 1936 ; repli sur la montagne sous l’autorité de directions réactionnaires ‒ le mufti de Jérusalem ; négociations avec participation, en vue de récupération, des pays arabes ‒ voir E. LOBEL, Les Juifs et la Palestine, Paris, 1969, p. 27-33).
Les faits dans ce domaine sont bien résumés dans l’article de N. Weinstock sur la période (N. WEINSTOCK, « The Impact of Zionist Colonization… », toc. cit) : « Les facteurs structurels qui entravèrent le progrès de l’agriculture arabe se firent sentir avec plus d’acuité dans le domaine industriel. En 1942 — avec l’extraordinaire stimulant de l’économie de guerre —, l’industrie arabe de Palestine employa 8 804 personnes dans 1 558 établissements, surtout dans l’industrie légère. Il est évident, selon le rapport de ces deux chiffres, que la taille des entreprises en question était dans la majorité des cas extrêmement réduite. Le secteur industriel arabe ne dépassa pas 10 % du produit industriel palestinien, et le capital investi 2 millions de livres palestiniennes. La faiblesse structurelle de l’industrie arabe ressort de la comparaison de son produit avec l’industrie juive : 1 545 000 livres pour la première contre 6 046 000 pour la seconde, en 1935. Durant l’année 1939, le capital juif investi dans l’industrie était de six fois supérieur à celui du côté arabe (les concessionnaires étrangers y avaient investi huit fois plus). Le retard de l’industrie palestinienne arabe peut être illustré par une comparaison avec la situation en Syrie et au Liban où, sur une population de 3 650 000 en 1938, il y avait 203 900 ouvriers travaillant dans l’industrie, dont plus de 33 000 dans l’industrie moderne, ou 175 500 et 18 600 respectivement, en déduisant les métiers non indigènes (les villes principales — Beyrouth, Tripoli, Sayda, Damas, Alep, Homs et Hama — en occupaient 125 825 et le reste 78 102, dont 65 800 travaillaient dans l’élevage du vers à soie) ».
Donc, même en prenant en considération l’hésitation traditionnelle de la classe de propriétaires terriens des pays sous-développés à investir dans l’industrie, ces résultats démontrent que la Palestine arabe était exceptionnelle dans son retard. L’explication de son échec à suivre un développement adéquat est simple : « Par le poids de ses avantages technologiques et financiers, l’économie capitaliste sioniste bloqua l’avènement d’une classe capitaliste arabe. Après avoir chassé des paysans arabes de leurs terres, le sionisme les empêchait également de faire partie du prolétariat dans le secteur juif de l’économie. Avec le retard pris par le secteur capitaliste arabe, les paysans (et aussi l’intelligentsia arabe) avaient des difficultés pour trouver un emploi quelconque — hormis dans l’administration du mandat britannique et dans les services publics » (Israeli Socialist Organization, The Other Israël, Tel-Aviv, 1968).
La structure sociale de la population arabe et la nature de son mouvement nationaliste et de ses organisations de la classe ouvrière sont un reflet de cette déformation de la base économique et sociale.
(Les informations chiffrées du passage cité de N. WEINSTOCK, proviennent de : D. HOROWITZ, « Arab Economy in Palestine », in J.B. HOBMAN (ed), Palestine’s Economie Future, London, 1946 ; Sh. SITTON, Israël, Immigration et Croissance, Paris, 1963 ; Great Britain, a Survey of Palestine, I, Jérusalem, 1946 ; K. GRUNWALD and J.O. RONALL, Industrialization in the Middle-East, N. Y., 1960).
[voir l’article suivant : 3. La dispersion palestinienne ‒ par Jacqueline Farhoud Jraissaty]