[La plupart des chiffres cités et tous les tableaux proviennent des sources israéliennes officielles, et notamment des  Annuaires statistiques d’Israël et autres publications statistiques périodiques israéliennes.]

Les Palestiniens de la rive occidentale (centre de la Palestine) ont été occupés par les Israéliens après une longue période sous la férule hachémite. L’héritage de dix-huit années de pouvoir hachémite ne pouvait qu’accentuer le sous-développement de la rive occidentale. Car son économie tombait sous l’influence et devait dépendre d’une économie qui dépendait elle-même entièrement du marché capitaliste mondial, de l’aide étrangère et souffrait de la décomposition et du démembrement de ses structures. La politique discriminatoire envers la Cisjordanie poursuivie par le régime hachémite empêchait le développement de ses forces productives. Privée de tout véritable investissement industriel et agricole, cette région devait conserver un taux de chômage extrêmement élevé durant toute cette période. En conséquence, nombreux furent ceux qui partaient chaque année, soit pour la Jordanie, soit, de plus en plus, pour les Etats pétroliers arabes. 375 000 personnes quittèrent ainsi les deux rives du Jourdain entre 1950 et juin 1967 — au moins 170 000 d’entre elles en provenance de Cisjordanie (En mai 1948, on peut estimer que la Cisjordanie comptait 475 400 habitants. En août 1952, 742 289 (du fait de l’afflux de réfugiés de Palestine occupée) ; 805 450 en novembre 1951. En mai 1967 (avant l’occupation israélienne), la population ne dépassait pas 850 000 habitants). En dépit de ces départs massifs de travailleurs, le pourcentage de chômeurs demeurait très élevé.

Sur le plan politique, la Cisjordanie devait tomber sous l’occupation israélienne en juin 1967, alors que les organisations patriotiques et progressistes et les mouvements populaires étaient en désarroi par suite de l’oppression sévère et permanente du régime hachémite. En 1966, le régime devait porter deux rudes coups contre le mouvement progressiste populaire des deux rives du Jourdain : le premier, au début de 1966, s’attaquait aux partis politiques progressistes (qui comprenaient le parti communiste, le Ba’as et le Mouvement nationaliste arabe) ; le second s’est traduit par une vague d’emprisonnements touchant les cadres des mouvements de la résistance et des partis et individus progressistes qui avaient pris part au soulèvement populaire provoqué par le raid israélien contre le village d’Al-Sumu’ en novembre 1966. Ils réclamaient le renforcement des lignes de défense du côté d’Israël, l’armement du front et l’organisation d’une résistance populaire. Tout cela explique que les Israéliens aient pu sans trop de difficultés faire de la Cisjordanie et de Gaza un satellite de l’économie israélienne. Ce qui expliquerait aussi le fait que 170 000 à 200 000 Palestiniens aient quitté la Cisjordanie entre juin et septembre 1967 ; nombreux étaient ceux qui dépendaient de soutiens de famille travaillant en dehors de la Cisjordanie, principalement dans les pays arabes producteurs de pétrole (La population de la Cisjordanie décrût d’un nombre estimé à 850 000 à la fin de mai 1967 à 664 500 en septembre 1967).

La population de la bande de Gaza était mieux préparée, ayant déjà fait l’expérience d’une occupation israélienne (1956) et surtout du fait de la présence de l’Armée de libération de la Palestine dans cette région. Armes, entraînement et des rudiments d’organisation étaient disponibles, permettant une rude résistance armée qui devait s’opposer à l’occupation israélienne entre 1967 et 1971.

a) Colonisation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza : échange inégal

Dès le commencement, la politique israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza tentait de parvenir à faire de ces régions une colonie, au plein sens du terme.3. L’économie des territoires occupés devait ainsi désormais dépendre de l’économie israélienne dominante. Une spécialisation dépendante lui fut imposée — par diverses mesures et encouragements —, tournée vers l’agriculture (produits indispensables à l’industrie, au marché ou encore aux exportations d’Israël) et les métiers et industries légères à haut potentiel d’emploi, lourdement tributaires d’un travail manuel intensif. Le commerce avec les territoires occupés (Sans la Jérusalem arabe annexée en 1967 et comprise dans les statistiques israéliennes comme faisant partie d’Israël) dégagea pour Israël un excédent commercial qui se chiffre à 2 155 millions de livres israéliennes (Presque 513 millions de dollars, au cours de 1973) entre juin 1967 et juin 1974, lié à l’essor des exportations israéliennes vers les territoires occupés : 803 millions de livres israéliennes en 1973, alors qu’en 1968 le chiffre n’était que de 187,4 millions et en 1971 de 383,9 millions. En d’autres termes, la valeur des exportations israéliennes vers la Cisjordanie et Gaza a plus que doublé entre 1971 et 1973. Il n’est donc nullement étonnant que les territoires occupés aient été le premier client d’Israël en 1973 (en excluant les diamants taillés), ce qui veut dire qu’Israël exporte davantage de produits ‘dans les territoires occupés qu’aux États-Unis (en excluant les diamants taillés), davantage que vers la Grande-Bretagne (y compris les diamants taillés), comme l’indique le tableau suivant.

En 1973, la Cisjordanie et Gaza ont donc absorbé le quart des exportations israéliennes, à l’exception des diamants taillés. Ces deux régions ont au cours de cette même année reçu 90 % du total de leurs importations d’Israël, tandis qu’Israël, toujours pour 1973, n’a pas dépassé 2,3 % du total de ses importations en provenance de la Cisjordanie et de Gaza. Alors que ces dernières exportent vers Israël des produits agricoles et biens industriels légers à main-d’œuvre intensive, elles importent des produits industriels d’Israël qui reposent sur des techniques intensives en capital.

Diverses mesures, destinées à adapter l’agriculture et l’industrie des territoires occupés aux besoins du marché israélien, devaient donc voir le jour. Une « division du travail » similaire à celle existant entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement a été créée entre Israël et les territoires occupés. Les capitalistes israéliens se sont empressés de sous-traiter avec les fabriques et ateliers des territoires occupés pour la vente sur le marché israélien, pour réexporter dans les pays capitalistes, ou bien encore ont directement investi dans ces territoires avec la protection et l’encouragement de l’État israélien. De nombreuses entreprises ne pouvaient en conséquence que finir par dépendre du marché israélien et du marché capitaliste mondial. Les exportations de produits industriels des territoires occupés vers Israël devaient passer de 138,3 millions de livres israéliennes en 1968 à 659,4 millions de livres en 1973.

Dans le domaine agricole, les autorités israéliennes imposèrent diverses restrictions aux exportations vers Israël à de nombreux produits qui étaient compétitifs avec les produits agricoles israéliens, tout en encourageant parallèlement leur exportation sur le marché arabe (par la politique des « ponts ouverts » avec la Jordanie) et sur les marchés européens. Par contre, les autorités israéliennes encourageaient et pressaient les fermiers de cultiver d’autres produits intéressant le marché israélien ou la réexportation, ce qui explique pourquoi les marchés arabes, qui absorbaient 48 % de tous les produits agricoles des territoires occupés en 1969, n’en absorbaient plus que 26,6 % en 1973, tandis que la part acquise par le marché israélien passait de 18,4 % en 1969 à 39 % en 1973. Ce qui explique également la chute brutale enregistrée sur certains biens agricoles (comme les melons et les pastèques, qui, de 48 500 tonnes en 1967-1968, n’étaient plus que de 8 300 tonnes en 1972-1973) et le bond fait par d’autres produits (oignons verts, coton, tabac, aubergines, poivrons, etc.), répondant aux besoins du marché israélien ou de l’exportation. Cette même politique devait également conduire à une sérieuse baisse des importations des territoires occupés en provenance des marchés arabes et à une large augmentation de leurs importations en provenance d’Israël, comme le montre le tableau suivant.

b) Colonisation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza : « travailleurs immigrés »

Le transfert de valeur par échange inégal (compte tenu du fait que la main-d’œuvre de Cisjordanie et de Gaza est bien meilleur marché que celle d’Israël) va de pair avec une exploitation directe de la main-d’œuvre palestinienne en Israël. Les capitalistes israéliens ont trouvé un immense réservoir de main-d’œuvre bon marché dans les territoires occupés et d’immenses formes d’exploitation possibles. Le nombre de Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza travaillant en Israël ne devait cesser d’augmenter chaque année. Il tourne autour de 70 000 en 1974, contre 10 000 en 1969 (Sans la Jérusalem arabe). De ce fait, environ 30 % de la population active des territoires occupés, ou 50 % de l’ensemble de ses salariés, travaillaient officiellement en Israël (voir tableau 4). Ces chiffres sont en dessous de la réalité, car ils ne tiennent compte que de ceux enregistrés auprès des bureaux de main-d’œuvre israéliens, laissant de côté les milliers de personnes travaillant au noir. Sont également exclues les entreprises de la Cisjordanie et de Gaza sous contrat de sous-traitance avec des firmes israéliennes, où, selon une estimation faite en 1972, travaillaient environ 20 000 personnes.

La réduction de la main-d’œuvre palestinienne de Cisjordanie et de Gaza aux travaux pénibles et non qualifiés délimités à certaines branches (en 1973, 52 % de la main-d’œuvre palestinienne employée en Israël travaillait dans le bâtiment, 19 % dans l’agriculture, 18 % dans l’industrie légère et le reste, 11 %, dans les services) s’accompagne de discriminations en matière de salaire. En effet, le travailleur palestinien touche en moyenne la moitié d’un travailleur israélien pour le même travail, comme le montre le tableau suivant :

La discrimination exercée à l’encontre des travailleurs palestiniens dans les territoires occupés ne se limite pas aux salaires, mais s’étend aux avantages sociaux et médicaux dont jouit le travailleur israélien. L’État israélien lui déduit jusqu’à 40 % de son salaire, plus qu’au travailleur israélien, mais, tandis que ce dernier reçoit certains avantages en retour (congés payés, sécurité sociale, assurance chômage et retraite), le Palestinien arabe, lui, n’a droit à rien. Le travailleur palestinien est donc obligé de verser un tribut à l’État israélien en plus de son exploitation par le capitalisme israélien. Des estimations, basées sur des sources israéliennes, donnent à penser que le total recueilli par le Trésor israélien par le biais de ces déductions pour la période 1968-1974 n’est pas inférieur à 1 090 millions de livres israéliennes (Environ 260 millions de dollars au cours de 1973).

En outre, la majorité des travailleurs palestiniens des territoires occupés passent tous les jours de trois à six heures dans des autobus pleins à craquer. Ceux qui ne font pas l’aller et retour quotidien sont contraints de dormir dans des baraques, hangars, garages, cabanes en paille, etc.

En bref les travailleurs palestiniens employés en Israël subissent des conditions de travail et de vie sociale qui sont pire encore que celles des travailleurs immigrés des pays en voie de développement au sein des grands pays capitalistes d’Europe occidentale et d’Amérique.L’importance du chômage et du sous-emploi, d’une part, les salaires relativement élevés touchés en Israël, d’autre part, expliquent la progression du nombre des Palestiniens travaillant en Israël.

Le salaire journalier moyen était de 17,9 livres et de 19,6 livres pour Gaza en 1973 (ces chiffres comprennent les salaires perçus en Israël ; le salaire journalier moyen touché sur place était de 14,0 livres en Cisjordanie et 14,8 à Gaza), tandis qu’il était de 22,9 livres pour les travailleurs de ces deux régions qui se rendaient en Israël (voir tableau 3), ou 21,8 pour la Cisjordanie et 24,6 pour Gaza.

Il est exact que le salaire moyen de Cisjordanie a augmenté de près de 260 % entre 1969 et 1973, passant de 7,9 à 17,9 livres, mais cette augmentation fut rapidement absorbée par la rapide hausse du coût de la vie. L’indice des prix passa d’une moyenne de 100 en 1969 à plus de 207 fin 1973 et plus de 305 en octobre 1974 (la hausse des produits alimentaires fut même plus forte et devait lourdement porter atteinte au niveau de vie des travailleurs non et semi-qualifiés). Le pouvoir d’achat de la population des territoires occupés, qui avait effectivement augmenté au cours des premières années par suite de la diminution du chômage, connut par la suite une érosion rapide du fait de la dépendance croissante envers l’économie israélienne.

c) Processus de prolétarisation

Les conséquences de la politique économique israélienne, en général, et l’augmentation de l’emploi de la main-d’œuvre palestinienne en Israël, en particulier, ont abouti à un fléchissement de l’importance relative de la petite bourgeoisie, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza. De nombreux petits fermiers, artisans et propriétaires de magasins ne pouvaient suivre les salaires que payaient les capitalistes israéliens, ni ceux qu’offrait la bourgeoisie palestinienne dans les territoires occupés. L’augmentation du coût de la vie devait aussi en contraindre beaucoup à se replier sur le travail salarié.

De surcroît, la main-d’œuvre bon marché des territoires occupés accentuait l’intérêt d’investir dans ces régions pour le capitalisme israélien, bien que par une voie le plus souvent détournée, c’est-à-dire en passant des contrats de sous-traitance avec des usines palestiniennes ou des artisans locaux (surtout dans les textiles, la broderie, les matériaux de construction et le cuir).

Tous ces facteurs devaient aboutir à la prolétarisation de nombreux petits entrepreneurs, comme le démontre le pourcentage croissant de salariés (travailleurs manuels, cols blancs et travailleurs qualifiés) sur l’ensemble de la population active (qui comprend les salariés, les employeurs et les travailleurs indépendants).

Ce tableau montre que le nombre de non-salariés (qu’ils soient travailleurs indépendants ou patrons) a diminué de 7 400 personnes dans les territoires occupés entre 1969 et 1973, tandis que le nombre de salariés (travailleurs manuels ou travailleurs qualifiés de toutes catégories) a augmenté de 39 200. L’augmentation a surtout porté sur les travailleurs non qualifiés ou semi-qualifiés, c’est-à-dire que la classe ouvrière s’est élargie en nombre.

d) Dépendance de l’économie israélienne

Ce processus de prolétarisation est dû uniquement à l’emploi accru dans l’économie israélienne.

Le tableau 6 montre que le nombre de Palestiniens travaillant sur place en Cisjordanie et à Gaza a diminué de 11 100 entre 1969 et 1973, tandis que le nombre de ceux qui travaillent en Israël a augmenté de 50 300. Mais la chute du nombre de travailleurs agricoles en Cisjordanie et à Gaza est encore relativement plus significative (tableau 7).

En Cisjordanie, cette diminution du nombre des travailleurs agricoles a été plus dramatique, étant donné que le nombre de travailleurs agricoles employés sur place devait passer de 10 400 en 1969 à 3 890 en 1973, tandis que le nombre de travailleurs agricoles de Cisjordanie employés par des fermiers israéliens passait de 1700 en 1969 à 3 400 en 1973.

Même phénomène dans le bâtiment : en 1969, il y avait approximativement 11 700 travailleurs employés sur place, et pas plus de 4 600 qui se rendaient en Israël. En 1973, la situation était renversée, avec seulement 5 800 travailleurs du bâtiment employés sur place dans les territoires occupés et 30 800 en Israël.

Dans l’industrie, la situation n’a pas été aussi dramatique pour deux raisons essentielles : les autorités israéliennes hésitaient à faire travailler des Palestiniens pour l’industrie israélienne ; les capitalistes israéliens préféraient passer des contrats de sous-traitance avec certaines industries des territoires occupés. Le nombre de travailleurs employés par le secteur industriel et artisanal dans les territoires occupés n’en est pas moins passé de 10 800 en 1969 à 9 300 (dont 7 000 pour la Cisjordanie) en 1973, tandis que le nombre de ceux qui travaillaient dans le secteur industriel en Israël passait de 1 000 en 1969 à 10 200 en 1973.

La dépendance croissante envers l’économie israélienne, l’apparition de rapports capitalistes dans tous les secteurs de l’économie, la demande accrue de main-d’œuvre et l’augmentation constante du coût de la vie, tout cela a poussé un plus grand nombre de femmes vers le travail à plein temps, surtout en Cisjordanie où il est passé de 12 900 dans la seconde moitié de 1968 à 21 700 au milieu de l’année 1973, puis 30 100 au milieu de 1974, soit plus d’un cinquième de l’ensemble des actifs. A Gaza, ce phénomène a été plus lent en raison, entre autres, du nombre important de chômeurs au sein de la population masculine. Le nombre de femmes travaillant à Gaza est passé de 3 400 en 1969 à 5 300 au milieu de l’année 1973, soit 7,8 % de l’ensemble des actifs (néanmoins, sur les 23 400 femmes travaillant à l’intérieur des territoires occupés, 10 500 seulement étaient salariées en 1973 ‒ c’est-à-dire ouvrières ou travailleuses qualifiées ‒, le reste était principalement des travailleuses indépendantes). Ces chiffres sont toutefois en dessous de la réalité, car ils ne tiennent pas compte du travail à temps partiel (surtout dans l’agriculture) et de la production domestique destinée au marché, comme la couture et la broderie. En 1973, environ 21,8 % des familles cisjordaniennes possédaient une machine à coudre et 17,9 % à Gaza.

L’économie des territoires occupés devient toujours plus dépendante des salaires perçus en Israël. Ainsi, le coefficient des versements de l’extérieur (ces chiffres comprennent les versements de la Jordanie et de l’U.N.R.W.A.) représentait 28,7 % du produit national brut de la Cisjordanie en 1973, contre 5 % en 1968. Pour la bande de Gaza, le pourcentage était de 30,7 % en 1973 et 1,6% en 1968.

Cette augmentation du pouvoir d’achat de la population (surtout dans les premières années d’occupation), due à la multiplication des offres d’emploi, ne résultait pas du développement des forces productives au sein des territoires occupés. Les revenus tirés de l’emploi en Israël étaient dépensés à l’achat de biens de consommation israéliens ou d’importations d’Israël, ce qui explique que le nombre de familles possédant un téléviseur en Cisjordanie soit passé de 1,8 % en septembre 1967 à 18,7 % en 1973, et, pour les réfrigérateurs de 4,8 % en 1967 à 20,9 % en 1973. Le nombre de voitures privées est lui aussi passé en Cisjordanie de 2 092 fin 1971 à 3 800 au milieu de l’année 1973, et pour Gaza de 1 178 à 2 624. Mais la consommation de produits de luxe demeure l’apanage d’un petit nombre. La majeure partie de la population vit toujours sans électricité (plus de 65 % en Cisjordanie et plus de 77 % pour Gaza), sans eau courante à la maison (plus de 81 % en Cisjordanie et 91,5 % pour Gaza), sans salle de bains (84 % en Cisjordanie et plus de 87 % pour Gaza) et ainsi de suite. La vertigineuse augmentation du coût de la vie ces deux dernières années dans les territoires occupés a pratiquement placé les Palestiniens dans l’impossibilité de maintenir, sans même parler d’améliorer, leurs conditions de vie. Les signes croissants de chômage, surtout pour ceux qui travaillent en Israël, laissent peser la menace d’une sérieuse crise.

Tout cela s’est produit sans aucun changement notable dans le développement des secteurs industriel et agricole. Leur part du produit intérieur brut est restée inchangée durant cette période : 35 % environ pour l’agriculture et 8,5 % pour l’industrie (pour Gaza, la part de l’agriculture dans le produit intérieur brut était de 27,5 % en 1968 et de 26,5 % en 1973 ; pour l’industrie de 3,1 % et 5,7 % pour ces mêmes années). Cette contribution de l’agriculture et de l’industrie au revenu national n’a pas seulement été limitée, mais le pourcentage de la force de travail employée dans l’agriculture a accusé une baisse significative, comme nous l’avons déjà vu. Les territoires occupés ont, par contre, enregistré un développement du secteur des services. En excluant ceux qui travaillent en Israël, nous découvrons que le pourcentage de la force de travail employée dans le secteur des services (c’est-à-dire ceux qui ne travaillent ni dans l’agriculture, ni dans l’industrie ni dans le bâtiment) est passé de 34,5 % en 1970 pour la Cisjordanie à 41,8 % en 1973, et pour Gaza de 47,8 % en 1970 à 57,7 % en 1973.

e) Répression et dépeuplement

L’exploitation du travail palestinien dans les territoires occupés était accompagnée d’une politique d’emprisonnements et de détentions administratives, d’une part, d’expulsions pures et simples de leaders palestiniens opposés à l’occupation, le tout conjugué avec diverses mesures de pression économique pour pousser les Palestiniens à émigrer, d’autre part. Des milliers de Palestiniens ont été chassés de leur patrie occupée en Cisjordanie et à Gaza, mais plusieurs autres milliers ont été contraints de partir après diverses pressions, économiques ou autres. D’après les statistiques israéliennes le nombre des Palestiniens était de 598 600 en Cisjordanie en septembre 1967 (sans compter la ville arabe de Jérusalem ; la population de la Jérusalem arabe, qui a été annexée par l’occupant israélien après la guerre de 1967, était de 65 800 en septembre 1967 et d’environ 88 000 à la fin de 1973) et approximativement de 675 000 en septembre 1974. Mais, le taux de natalité étant de 3,1 % (taux du début des années 1960), il suffit à lui seul pour porter la population à 741 600 ; un taux annuel de 3,2 % (estimation plus réaliste) la porterait à 747 000, ce qui signifie que la Cisjordanie a perdu entre 66 400 et 72 000 de ses habitants entre septembre 1967 et septembre 1974.

Pour Gaza, on obtient (les statistiques israéliennes classent le nord du Sinaï avec Gaza. En septembre 1967, là population du nord du Sinaï était de 35 700), d’après les statistiques israéliennes, une population de 389 700 en septembre 1967 et de 416 700 en septembre 1974 ; alors qu’un taux annuel de natalité de 3,1 % est suffisant pour porter la population de Gaza à 482 800 en septembre 1974, et de 3,2 % à 486 300. Cela signifie que la population de Gaza a perdu entre 66 100 et 69 100 personnes durant les sept années d’occupation.

Ainsi, la population de ces deux régions a perdu entre 132 500 et 141 400 de ses habitants au cours de cette période, sans bien sûr tenir compte de ceux qui ont été contraints de quitter les territoires occupés au cours de la guerre de juin 1967 et tout de suite après. On estime entre 170 et 200 000 leur nombre pour la seule Cisjordanie. Très rares ont été ceux qui ont reçu des autorités israéliennes la permission de rentrer chez eux.

La grande majorité de ceux qui sont contraints de quitter les territoires occupés sont jeunes. Ils ont surtout entre 20 et 44 ans et sont le plus souvent des personnes qualifiées de sexe masculin. La plupart ne trouvent d’emploi ni dans les territoires occupés ni en Israël. En vidant es territoires occupés de ces hommes, les autorités israéliennes privent ces deux régions de talents techniques hautement qualifiés et d’une force opposée à l’occupation. Cette émigration forcée se reflète dans le déséquilibre démographique de ces deux régions. Le pourcentage d’hommes entre 25 et 49 ans en Cisjordanie ne dépassait pas les 43 % en 1973 et 40,7 % pour la ‘bande de Gaza. Le nombre d’hommes par rapport aux femmes entre 40 et 44 ans a baissé de 745 hommes pour 1 000 femmes de septembre 1967 à 727 en 1973. Pour Gaza, il est passé de 738 en 1967 à 656 en 1973 (voir aussi l’article de J. Farhoud Jraissati dans ce numéro).

f) Colonisation de la terre

L’exploitation colonialiste de la force de travail palestinienne, la subjugation de la structure économique des territoires occupés, la politique de dépeuplement systématique vont de pair avec la colonisation de la terre. Juste après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, les autorités israéliennes annexent la ville arabe de Jérusalem pour se lancer peu après dans une politique de judaïsation, en détruisant son caractère traditionnel arabe, en l’encerclant d’immeubles résidentiels pour colons juifs et en confisquant d’importants lots de terrain au sein de la ville ou sur son pourtour. En Cisjordanie et à Gaza, les autorités israéliennes, dans le cadre d’un plan de colonisation important, y amenèrent des milliers de colons juifs. Au départ, il s’agissait de colonies militaires agricoles qui précédèrent des centres urbains industriels. Entre juin 1967 et la guerre d’octobre 1973, Israël n’a pas installé moins de vingt-cinq colonies en Cisjordanie et à Gaza et, depuis lors, s’est lancé dans un plan visant l’installation d’au moins vingt autres colonies pour séparer les régions peuplées de Cisjordanie et de Gaza des régions arabes avoisinantes et les couper de la résistance palestinienne. Au second stade, les autorités israéliennes se consacrèrent à modifier la composition démographique de la Cisjordanie par l’établissement de centres urbains industriels juifs qui isolèrent la population arabe des territoires occupés dans des petites poches encerclées par les colonies juives. On a ainsi mis sur pied des projets en vue de l’établissement d’un centre régional dans la vallée du Jourdain, d’un centre industriel (destiné à devenir un centre urbain) à Qualquilya — à l’ouest de la Cisjordanie — ainsi qu’un second entre Jérusalem et Jéricho, plus le développement d’un complexe urbain dans la bande de Gaza.

Simultanément, les Israéliens lancèrent une campagne de confiscation de terres arabes. Ces confiscations se déroulaient par des moyens de pression insidieuse, y compris la destruction de milliers de dunams de moissons, des coupures de lignes électriques et d’approvisionnement d’eau des villages palestiniens, par des menaces non déguisées et l’arrestation de civils récalcitrants. Le chiffre exact de terres confisquées depuis 1967 dans les territoires occupés n’est pas connu, mais il est considérable. Toutes les terres du domaine public ont été confisquées (environ un sixième de la surface totale). A Gaza, cela représente environ le tiers de la surface totale, et plus de 10 000 dunams (10 dunams = 1 hectare) ont été réservés dans cette région aux colonies israéliennes. La terre qualifiée par euphémisme comme ayant un « propriétaire absentéiste » (c’est-à-dire appartenant à des Palestiniens qui se sont enfuis ou ont été expulsés pendant ou juste après la guerre de juin 1967, ou qui n’étaient pas là à l’époque) a également été confisquée, ce qui représente d’après les estimations environ 350 000 dunams en Cisjordanie, sans même parler du nombre inconnu de terres confisquées par une clôture et qualifiées de réservées « à des fins militaires ».

Vers la fin de l’année 1970 (c’est-à-dire après la campagne militaire contre la résistance en Jordanie qui devait mettre fin à sa présence ouverte dans ce pays), les autorités israéliennes commencèrent à s’intéresser aux camps de réfugiés où plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens vivaient en Cisjordanie et à Gaza. L’objectif de cette politique est d’en faire des lieux de résidences ordinaires rattachés à l’administration des municipalités locales sous contrôle israélien. Plusieurs centaines de maisons furent ainsi entièrement et brutalement détruites dans les camps pour faire place à de larges corridors « sûrs » pour les patrouilles militaires israéliennes, et plusieurs milliers d’habitants de ces camps furent déplacés dans des cités de fortune, des camps installés dans le désert et autres lieux. En s’attaquant à l’intégrité physique des camps et en transplantant les habitants, les autorités israéliennes espéraient, à en croire l’un des administrateurs israéliens de ce plan, « convaincre les réfugiés de l’inutilité de leur insistance à vouloir rentrer chez eux en Israël ».

g) Modification de la structure des classes

La politique colonialiste israélienne dans les territoires occupés a débouché sur un mode de production colonialiste, étroitement dépendant de l’économie israélienne dont il sert les intérêts. Cette transformation a modifié la structure des classes dans cette région. Nous avons déjà abordé plus haut les plus importants de ces bouleversements. Abordons brièvement les points les plus significatifs de la nouvelle structure des classes dans les territoires occupés.

La classe ouvrière s’est élargie, relativement et en nombre absolu. On peut estimer qu’il y avait près de 60 000 ouvriers (travailleurs manuels et qualifiés) en Cisjordanie en 1973, constituant environ 47,5 % de la population active (sans la Jérusalem arabe) et près de 38 000 à Gaza, c’est-à-dire 55,6 % de celle-ci (cf. le tableau 5). Leur distribution par secteurs est la suivante (voir tableau 8).

En d’autres termes, il y avait 97 600 travailleurs de Cisjordanie et de Gaza en 1973, formant la moitié de la population active (194 600). Sur ces 97 600, au moins 59 300 travaillent en Israël, soit au moins 60,8 % de la classe ouvrière de Cisjordanie et de Gaza. L’élargissement de la classe ouvrière provient donc de l’emploi en Israël, ce qui a également entraîné une modification de la composition de cette classe. En Cisjordanie, le nombre de travailleurs agricoles a dramatiquement baissé. Avant la guerre de juin 1967, il y avait approximativement 48 000 travailleurs agricoles (permanents et saisonniers) ; en 1973, le nombre était tombé à 7 300, dont 3 400 travaillaient en Israël et 3 900 sur place (c’est-à-dire un douzième de ce qu’ils étaient avant la guerre de juin 1967). Dans la bande de Gaza, sur les 14 800 personnes employées par l’agriculture, 8 300 travaillent en Israël, et 6 500 personnes sur place, comparées aux 10 000 personnes de 1969.

A la même époque, on assistait à une brusque augmentation du nombre des travailleurs du bâtiment, déterminée par la forte demande du marché du travail israélien pour les ouvriers non qualifiés et semi-qualifiés du bâtiment. Ainsi, le nombre de travailleurs du bâtiment employés en Israël a été multiplié par sept, de 4 600 en 1969 à 30 800 en 1973.

Si la composition interne et le nombre de la classe ouvrière ont changé de façon significative sous l’occupation israélienne, cela ne reflète pas un changement des structures de base de l’économie des territoires occupés. Le morcellement et le sous-développement de l’économie ont au contraire été renforcés du fait de la dépendance croissante à l’égard de l’économie israélienne, de la dispersion de sa main-d’œuvre, plus particulièrement de sa main-d’œuvre salariée, et du manque d’intégration des divers secteurs économiques. Nous ne trouvons non seulement aucune intégration entre les secteurs productifs de l’économie (comme l’industrie, le bâtiment, l’agriculture), mais c’est à peine si on peut parler d’intégration entre les entreprises au sein de chaque secteur. Des unités économiques existent, isolées les unes des autres — situation qui ne conduit pas à l’émergence d’une forte cohésion de la classe ouvrière, a fortiori si plus de la moitié de celle-ci travaille en dehors de sa propre économie.

Le surplus économique produit n’est pas utilisé pour le développement des forces productives dans les territoires occupés, la majeure partie est accaparée par le capitalisme israélien et l’État sioniste. L’accumulation de capital en Cis Jordanie et à Gaza se heurte à une double restriction : du fait de la dépendance économique et de la subordination politique envers l’économie israélienne et l’État ; du fait que les salariés — dans leur ensemble — ont été empêchés de rentrer en contradiction avec le capitalisme local des territoires occupés. La contradiction étant située ailleurs, c’est-à-dire dans l’Etat sioniste, avec le capitalisme israélien, son caractère de classe recule et l’aspect national domine.

De plus, l’emploi en Israël a attiré principalement trois catégories de travailleurs : a) les chômeurs, ceux qui n’étaient employés qu’à temps partiel, ou les saisonniers, surtout ceux de l’agriculture ou du secteur des services ; b) les réfugiés des camps, surtout ceux des camps situés près des principaux centres urbains de Cis Jordanie et de Gaza ; c) les petits paysans et artisans boutiquiers qui ont été touchés par l’occupation (surtout ceux qui travaillaient avec les touristes). Tous ceux-là manquent de traditions ouvrières au sens propre du mot. Ces divers facteurs font obstacle au développement d’un syndicat puissant ou d’autres organisations de la classe ouvrière, développement aggravé par la sévère répression avant et après l’occupation israélienne. La classe ouvrière de l’industrie proprement dite demeure peu nombreuse par rapport à l’ensemble de la population active, malgré même son poids relatif à l’intérieur de la classe ouvrière elle-même. En 1973, le nombre des salariés (manuels et cols blancs) dans l’industrie en Cisjordanie ne dépassait pas 14 800 et constituait environ un cinquième de l’ensemble des personnes employées en Cisjordanie (72 900), environ un quart de la classe ouvrière (59 750) et pas plus de 11,8 % de l’ensemble de la population active (126 400). Plus de la moitié des travailleurs de l’industrie de Cisjordanie était employée en Israël en 1973 (7 900), seulement 6 900 travaillaient dans l’industrie sur place. A Gaza, la situation était encore plus frappante, car les travailleurs de l’industrie étaient 5 300 en 1973, formant 7,7 % de l’ensemble de la population active (68 200), 11,5 % des salariés (46 100) et pas plus de 14 % de la classe ouvrière (37 880). Près de 60 % des travailleurs de l’industrie étaient employés en Israël, ce qui ne laissait que 2 300 travailleurs industriels employés sur place. Dans les deux régions, nous assistons à une réduction du nombre de ces travailleurs employés sur place, alors que leur nombre absolu ne fait que croître. Il est passé de 11 800 en 1969 à 20 100 en 1973, tandis que ceux employés sur place est tombé de 10 800 en 1969 à 9 200 en 1973.

Non seulement la classe ouvrière industrielle est relativement réduite, mais elle est aussi dispersée sur un grand nombre d’entreprises et d’ateliers, le plus souvent de petite taille. En Cisjordanie, seules trois entreprises industrielles emploient cent personnes ou davantage, le reste est surtout constitué de petits ateliers qui emploient chacun cinq personnes, voire moins. De plus, la plupart de ces ateliers sont des affaires de famille, ce qui ne contribue guère au développement des contradictions entre patrons et travailleurs.

En dépit de ces facteurs et de ces caractéristiques qui peuvent gêner la mobilisation et l’organisation de la classe ouvrière des territoires occupés, il est capital de souligner l’augmentation absolue et relative du nombre des salariés qui s’est produite, conséquence non voulue de la dépendance des territoires occupés de l’économie israélienne (économie capitaliste plus développée), ainsi que l’importance prise par les rapports capitalistes (en dépit de leur caractère sous-développé ou périphérique). De plus, la classe ouvrière, qui constitue actuellement la moitié de la population active jouit d’une longue expérience de lutte : pour les droits démocratiques, que ce soit avant ou après l’occupation, pour son autodétermination et d’une lutte de classes constante. Elle a une longue et riche expérience de lutte contre tous les genres d’oppression et d’exploitation.

La petite bourgeoisie de Gaza et de Cisjordanie est surtout composée de petits paysans, petits commerçants, boutiquiers et petits artisans. En Cisjordanie, patrons et travailleurs indépendants (qui n’utilisent aucune main-d’œuvre mais possèdent leurs propres moyens de production) composent en 1973, dans l’agriculture, près de 49 % de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie ; les commerçants, hôteliers et restaurateurs constituant 21,2 % de ces mêmes classes. A Gaza, le pourcentage pour la même année était de 21,1 % pour l’agriculture et de 40,4 % pour le commerce, les hôtels et les restaurants. La nature petite-bourgeoise de la production agricole dans les territoires occupés, surtout en Cisjordanie, peut être déduite du petit nombre de travailleurs agricoles.


La concentration des propriétés agricoles à Gaza (plantations d’agrumes) est nettement plus marquée qu’en Cisjordanie. Mais, même à Gaza où l’agriculture est plus intensive et où l’irrigation est plus répandue, la majorité des fermiers (les deux tiers) possèdent jusqu’à 20 dunams, et 88 % possèdent jusqu’à 50 dunams. En Cisjordanie, où l’agriculture est pourtant moins intensive, 71,5 % des propriétaires possèdent jusqu’à 50 dunams.

Il est également clair que l’occupation israélienne a déclenché un processus de prolétarisation ou de semi-prolétarisation des paysans, qui se voit nettement à la diminution du nombre d’employeurs et de travailleurs indépendants dans le secteur agricole. En Cisjordanie, leur nombre est passé de 37 000 en 1969 à 26 100 en 1973, et à Gaza de 6 200 en 1970 à 4 600 en 1973. En Cisjordanie, la petite bourgeoisie est composée en majorité de petits paysans suivis en nombre par les petits commerçants, tandis qu’à Gaza ce sont les petits commerçants qui viennent en tête. Dans ces régions, les petits artisans viennent en troisième position.

La petite bourgeoisie professionnelle (enseignants, administrateurs, contremaîtres, techniciens, employés de bureaux, etc.) forme une large couche de la petite bourgeoisie. En 1973, ils constituaient en Cisjordanie 18 % des salariés et 16 % à Gaza. On peut estimer qu’ils comptaient pour un cinquième de cette classe en Cisjordanie, et un quart à Gaza. Ils représentaient 20 400 personnes dans ces deux régions, alors que cette classe sociale tout entière est évaluée à environ 94 400 familles (il y a également environ 1 800 membres des professions libérales de Cisjordanie et de Gaza qui ne sont pas salariés mais travailleurs indépendants ‒ qui peuvent accumuler des richesses et constituer un capital ; la plupart sont médecins, pharmaciens, avocats, comptables, etc.), ce qui est juste un peu en dessous du nombre des familles ouvrières (approximativement 97 600) dans ces deux régions.

La bourgeoisie est surtout représentée par les grands propriétaires terriens et la bourgeoisie commerçante. L’augmentation du coût de la main-d’œuvre et la politique d’encouragement israélienne à l’exportation de certains produits agricoles a incité la bourgeoisie terrienne à investir dans la mécanisation de l’agriculture, l’utilisation de semences améliorées et l’emploi de produits chimiques, engrais et insecticides (le nombre des tracteurs en Cisjordanie est passé de 600 en 1971 à plus de 1000 en septembre 1974.  A Gaza, de 73 en 1971 à 217 en septembre 1974). Mais cette bourgeoisie doit faire face à plusieurs désavantages imposés par l’occupation israélienne, et ne saurait être compétitive race à son homologue israélien, ni pour ce qui est du capital investi ni pour le contrôle du marché, d’autant plus que l’agriculture israélienne est subventionnée par l’Etat. L’agriculture des territoires occupés a donc été contrainte de s’orienter avant tout vers l’exportation. De plus, les membres de cette classe demeurent sous la peur et la menace d’une prochaine confiscation de terre ou d’une saisie.

La grande bourgeoisie commerçante est devenue active sous l’occupation israélienne avec le développement du commerce extérieur des territoires occupés et les encouragements matériels accordés par les Israéliens au commerce sur les ponts ouverts avec la Jordanie (destiné à vider les territoires occupés de leurs propres produits et faire ainsi place aux importations de produits israéliens). Le commerce d’import-export, combinant la possibilité de contrôler les prix et de manipuler le marché, a permis l’accumulation d’énormes profits. Il n’est donc pas surprenant que ce groupe ait montré davantage d’empressement pour la coopération et les compromis avec les autorités d’occupation que ne l’a fait la bourgeoisie agricole et industrielle.

La bourgeoisie industrielle demeure la plus faible dans les territoires occupés tant pour des raisons historiques qu’actuelles. Sous le pouvoir hachémite, la Cisjordanie était intentionnellement privée d’investissements industriels, et sous l’occupation israélienne seules les industries qui ne rentraient pas en compétition avec les produits industriels israéliens ont été autorisées à se développer ou à se créer. Dans la majeure partie des cas, la bourgeoisie industrielle des territoires occupés, avec ses capitaux et ses marchés limités, se trouve incapable de concurrencer le capitalisme industriel israélien. Les produits industriels israéliens ont inondé les marchés des territoires occupés, et le plus souvent à des prix subventionnés et bénéficiant d’une technique intensive en capital portant préjudice à la bourgeoisie industrielle palestinienne. De plus, les autorités israéliennes contrôlent les licences d’import-export, ce qui signifie que la bourgeoisie industrielle arabe se sent perpétuellement menacés. Les autorités limitent en outre son développement en la privant de la sécurité nécessaire pour les investissements. Le sort de la bourgeoisie industrielle palestinienne restée sous occupation israélienne en 1948 fait craindre à celle tombée sous l’occupation en 1967 qu’elle risque de disparaître en tant que classe. Aussi, tout comme la bourgeoisie terrienne, elle a à maintes occasions montré clairement son opposition à la poursuite de l’occupation.

La classe ouvrière n’en est pas moins celle qui subit le plus cruellement l’occupation sioniste, son exploitation de classe s’alliant à l’oppression nationale.

Le sionisme et ses caractéristiques annexionnistes de destitution constituent une politique de dispersion nationale contre le peuple palestinien en général, dans les territoires occupés en particulier. Ce caractère de déplacement du sionisme requiert une idéologie qui dénie toute identité à la population qu’elle déplace ; d’où le déni historique du sionisme quant à l’existence d’un peuple arabe palestinien. Cette politique vise à faire disparaître le sentiment d’identité nationale chez les Palestiniens subissant l’occupation et à tenter de modifier le caractère arabe palestinien de la Cisjordanie et de Gaza. Cette politique va de la destruction de villages entiers, de la déportation forcée de ceux qui résistent à l’occupation, de l’emprisonnement et de la détention administrative de plusieurs milliers de Palestiniens, des punitions collectives aux attaques systématiques contre la culture arabe palestinienne, en détruisant les livres scolaires d’histoire arabe, de littérature ou même de poésie, supprimant les passages se rapportant à la lutte du peuple arabe contre l’oppression et l’impérialisme. Sur le plan politique, les Palestiniens sont privés du droit de se trouver les formes les plus élémentaires d’organisation, même coopératives ou estudiantines.

[voir l’article suivant : 5. Sur les Arabes en Israël ‒ par Lazare Rozensztroch]