Felicia Langer, De mes propres yeux. A paraître prochainement aux Éditions Sociales.
Comme son titre nous le laisse apparaître, l’ouvrage de Felicia Langer constitue, en effet, un témoignage personnel, celui de l’avocate israélienne, militante du parti communiste Rakah, nous livrant « en direct » les « secrets » de l’occupation israélienne. Une occupation — l’auteur se concentre sur la période allant de 1968 à 1973 — qui s’est voulue « libérale » et qui ne l’a été, en fait, que pour ceux qui n’ont rien voulu voir ni entendre, complices. De secrets, point. Felicia Langer apporte des pièces à conviction irréfutables d’une longue période d’oppression dont les victimes sont les habitants des territoires conquis en 1967. Le mythe savamment entretenu d’une occupation israélienne « pas comme les autres » et le mythe parallèle d’une armée « de défense », donc « pas comme les autres » non plus, voilent une réalité autrement inquiétante que celle véhiculée, grâce à la propagande des tenants sionistes et consorts, par une image de marque faisant d’Israël une exception de l’histoire, rien moins qu’un modèle d’occupant !
Au lendemain de la guerre des Six Jours, Israël se réveille dans un empire : la rive occidentale, le Golan, la bande de Gaza et le Sinaï. Ces territoires comptaient un million et demi d’habitants ; ils n’en compteront désormais que les deux tiers. C’est que cette victoire a apporté avec elle une calamité pour ceux qui criaient encore, telle Golda, « le maximum de territoires avec le minimum d’habitants ». La mariée n’était pas assez belle et la dot désenchantait. Départs provoqués par la peur au moment des hostilités et expulsions frappèrent ainsi des milliers de familles. Les autorités israéliennes démolirent en outre quelques dix-huit milles maisons arabes ; cinquante colonisations juives s’implantèrent chemin faisant dans le Golan, la Cisjordanie et Gaza. Des milliers d’habitants des territoires occupés peuplent aujourd’hui encore les prisons israéliennes. Une vague d’arrestations massives et arbitraires a déferlé, récemment, sur cette population.
Avocate des victimes de la répression israélienne, Felicia Langer dresse ici un long réquisitoire, étayé d’une connaissance approfondie du dossier, contre la justice pratiquée par les tribunaux militaires en terre occupée. La mythologie grecque décrit la déesse de la justice, une balance entre les mains, les yeux fermés. Sur les bancs de la défense de ces tribunaux, voici que s’élève devant mes yeux la statue de ma déesse bien-aimée, laissant de son cœur échapper un soupir : « Heureusement que mes yeux ne voient pas cette justice ! ». Cette injustice, Felicia Langer l’a vue, de ses propres yeux.
[voir le suivant : Documents (1) : Pour Abraham Serfaty et ses camarades]