1.
Chers camarades de Khamsin,
Comme beaucoup d’autres, j’ai beaucoup apprécié le projet de Khamsin et la qualité des deux premiers numéros. Le débat entre révolutionnaires du Moyen-Orient, indispensable à l’évidence, a besoin pour se développer d’une documentation solide et des éléments de réflexion que l’on trouve déjà dans ces deux numéros. Ce débat ne saurait avoir lieu sans affrontements ; affrontements entre différentes lignes, d’autant plus durs à assumer et d’autant plus nécessaires que la situation exige des ruptures préalables claires et sans équivoque. De façon évidente, par exemple, sans rupture préalable avec le sionisme, il n’est pas possible de participer à ce débat. Si la nécessité d’une ligne claire exige donc des affrontements, il ne faut pas pour autant que le désir de clarification pousse constamment à l’autojustification et vienne masquer le débat entre les lignes. C’est pourquoi je déplore la lettre de Shahak (Khamsin, n° 2) sur Mahmoud Hussein, publiée sans aucun commentaire de la rédaction. Je ne veux pas dans cette lettre intervenir sur le fond du débat qui n est pas encore engagé. Je comprends qu’on puisse ne pas être d’accord avec l’initiative de Mahmoud Hussein, s’interroger sur les possibilités et l’intérêt d’exploiter les contradictions internes du sionisme ; considérer que la possibilité de récupération de telles initiatives par le sionisme l’emportera sur l’intérêt qui peut être retiré de l’accroissement de ces contradictions ; penser que de telles initiatives ne peuvent relever que d organisations et non d’individus ; regretter que le débat entre révolutionnaires n’ait pas précédé ce qui se présente comme « le premier dialogue ».
Tout cela est concevable et ne peut laisser indifférent. Par contre, je ne peux comprendre qu’on puisse se désintéresser complètement de l’ouverture du débat parmi les révolutionnaires arabes quant au bilan de trente années de lutte. Il s’agit d’un débat central, et je ne pense pas que sa prise en charge soit incompatible avec l’action essentielle et courageuse de Shahak, qui mène de façon admirable la lutte antisioniste sans aucune concession. C’est pourquoi je regrette que la lettre s’en prenne uniquement de façon subjective au comportement de Mahmoud Hussein, dont on sait qu’ils ont suffisamment payé de leur personne, au cours de leur vie militante, pour mériter que ne soient pas portées à la légère des attaques de ce type. Quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur l’initiative de Mahmoud Hussein, on se doit de considérer d’abord qu’ils sont des révolutionnaires arabes partie prenante des luttes et des interrogations des peuples du Moyen-Orient.
Quand on sait que toute l’action de Shahak est indispensable à l’avancée du mouvement révolutionnaire dans la région, on peut déplorer que sa lettre ne contribue pas à l’engagement du vrai débat : celui qui doit permettre aux révolutionnaires de ne pas s’enfermer dans le témoignage minoritaire mais poser les problèmes nécessaires pour la prise en charge par les masses au Moyen-Orient, et notamment par le peuple palestinien, de la direction de la lutte.
G. Massiah
N.D.L.R. : Nous ne publions pas toutes les lettres reçues, mais quand nous en publions nous aimerions le faire « sans commentaire de la rédaction », sauf quand nous y sommes contraints comme dans le cas présent. La rédaction intervient déjà par la sélection qu’elle opère. Faut-il qu’elle intervienne encore davantage par des commentaires quand chacun sait qu’une lettre à la rédaction n’engage que l’opinion de son auteur ?
2.
Aux camarades de la revue « Khamsin »
Le collectif L’Encrier, publiant le mensuel du même nom et se réclamant du marxisme-léninisme, vous félicite pour la contribution au combat anti-impérialiste que vous apportez sans tomber dans le spontanéisme et en fin de compte l’égoïsme qui consiste à faire siennes les luttes populaires confirmées.
Notre combat au niveau lycéen et culturel pour la démystification du sionisme et du « problème juif » s’est heurté à une vaste campagne de dénigrement qui a touché en particulier nos deux camarades égyptiens, Mogniss et Samir Hamed Abdallah, principaux organisateurs de la revue, du collectif, mais aussi d’activités locales en direction des lycéens de Saint-Cloud pour une conscientisation antisioniste. Victimes d’agressions armées répétées, d’une expulsion d’avertissement au lycée, de manigances de la part du maire de Suresnes, il nous semble primordial de dénoncer le contrôle des leviers de commande de l’impérialisme français par les lobbies sionistes qui s’attaquent à un groupe de jeunes ayant somme toute pour charge accablante un internationalisme prolétarien conséquent et non dogmatique (pour le proviseur du lycée : « agitation tendancieuse remettant en cause l’harmonie du lycée et l’objectivité de l’éducation… »).
En conséquence, nous plaiderions pour une rubrique supplémentaire dans la revue Khamsin, qui notifie l’importance du contrôle idéologique sioniste sur les pays impérialistes « secondaires », condition sine qua non de l’existence de l’entité sioniste en Palestine, et qui ouvre le débat sur la solidarité concrète des révolutionnaires en France, ses multiples formes… et sur la lutte très dure, vu les conditions historiques, des Juifs antisionistes pour le socialisme et l’autodétermination d’un peuple.
Salutations.
Le comité des relations unitaires du collectif L’Encrier,
après débat sur la revue Khamsin
Le 3 janvier 1976
3.
Chers amis et camarades,
… J’apprécie énormément votre travail et je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que votre revue est la meilleure parmi celles publiées sur le sujet en une langue européenne ; elle est particulièrement utile pour des gens comme nous qui travaillent pour la cause et qui ne peuvent pas lire la littérature arabe, comme par exemple Affaires palestiniennes (Chou’oun Falastiniyah). J’espère qu’il vous sera possible de continuer la revue de la même manière et que vous n’aurez pas de problèmes financiers…
Je ne connais pas, bien entendu, vos projets pour les numéros à venir, mais permettez-moi de suggérer de consacrer un dossier aux femmes. Cela peut paraître plutôt banal de nos jours, mais plusieurs raisons m’amènent à faire cette proposition, la plus importante étant que très peu à ma connaissance a été écrit sur les femmes palestiniennes (et l’expérience algérienne démontre l’importance de la question, pour ce qui est de son côté négatif). J’ai déjà suggéré l’idée au Journal of Palestine Studies. Il sera intéressant d’étudier la situation des femmes dans les camps (la conscience révolutionnaire grandissante, d’une part, l’adhésion aux vieilles traditions et aux normes pour sauvegarder l’identité, d’autre part), et dans les territoires occupés (1967 et 1948)…
Fraternellement,
Birgitte Pedersen
N.D.L.R. C’est un dossier effectivement à l’étude, ainsi que nous l’avons d’ailleurs annoncé dans la présentation de la revue (Khamsin, n° 1, p. 4). Des camarades travaillent sur le sujet ; ceux parmi nos lecteurs qui voudraient y participer sont les bienvenus.
Reçu à la rédaction de « Khamsin »
— Un appel du Front démocratique pour la libération de la Palestine exigeant la libération de Taycir Zabari et de 150 patriotes qui croupissent dans les prisons jordaniennes. Les lettres de protestation sont à adresser à l’ambassade de Jordanie, 80, bd Maurice-Barres, 92000 Neuilly.
— Un numéro spécial de la revue trimestrielle Race and Class, « Les Etats-Unis et le Monde arabe », Institute of Race Relations, 247, Pentonville Rd, London NI 9 NG, G.-B. Abonnement annuel : 15 dollars.
— Sahara-Info, bulletin d’information de l’association Les Amis du peuple sahraoui, B.P. 118, 75262 Paris, Cedex 06.
— Un appel contre la répression en Libye qui a fait huit morts et saluant les manifestations de la jeunesse libyenne, signé par Lafif Lakhdar, pour correspondance internationale, adresse : Labrande, B.P. 411, 75122 Paris, Cedex 03 ; et Abdel Kader El Janabi, Maroine Dib, Ghafii Younes, Farid Lariby, pour le Désir libertaire, adresse : A. K. Alwan, poste restante, 91, rue Cujas, Paris 75005.
— Nécrologie du camarade « Moussa » récemment décédé. « Un révolutionnaire arabe palestinien, socialiste et internationaliste. Radouane El Khilou — ou le camarade “Moussa” comme on l’appelait dans le Parti communiste palestinien — fut secrétaire du P.C.P. de 1933 à 1943. Il était, depuis le début des années 1920, mêlé à la vie politique de la Palestine et de toute la région arabe, et il fait partie du petit groupe de ceux qui ont jeté les bases du mouvement révolutionnaire dans le Mashrek », nous écrit Mario Offenberg, de Matzpen.
— De la Ligue des droits de l’homme et du citoyen d’Israël : « A Report Concerning Torture », by Leah Tsemel, ; « The Non-Jew in the Jewish State » a collection of documents, edited and prepared by Pr. I. Shahak, 2 Bartenura Street, Jérusalem, (138 p.).
Mises au point
— Plusieurs lecteurs nous ont fait remarquer à propos du dessin paru en dernière page de couverture de Khamsin n° 1 que le célèbre faux antisémite Les Protocoles des sages de Sion est toujours en honneur et largement diffusé en Arabie Saoudite.
— I. Shahak nous signale, à propos du dessin paru en dernière page de couverture du n° 2 de la revue, que la ville de Yamit ne fait pas partie de la bande de Gaza, mais du Sinaï égyptien occupé par Israël.
— Enfin, M. Machover nous demande de préciser : « Dans la traduction française de ma lettre à Khamsin (n° 2) la phrase (p. 119, § 3) : “…le règlement se constituera sur un fondement plutôt positif…” est une traduction inexacte de l’hébreu : “… yihiéh bahesdér yesôd hiyuvî kôlshehû…”.
J’ai voulu dire que (dans certaines conditions) le règlement contiendra (littéralement : aura en son sein) des éléments positifs ; je n’ai pas dit — ni eu l’intention de dire — que dans telle ou telle condition le règlement se constituera sur un fondement plutôt positif. »
[voir le suivant : Appel a la conscience israelienne — par les habitants des villages de Sakhnin, Arraba, Deir Hannah et Arab el-Sawad]