Lettre d’un camarade de Matzpen, par Moshé Machover
Par cette lettre, je me joins à mes camarades pour vous féliciter d’avoir entrepris cette tâche importante. En effet, avec la parution de Khamsin, la lutte de la gauche révolutionnaire du Proche-Orient s’engage dans une nouvelle étape. Comme vous le savez, des impondérables m’ont empêché malheureusement de collaborer au premier numéro. Désormais, j’espère y prendre une part active.
Je voudrais émettre une critique à l’égard de l’article principal de ce premier numéro. D’une manière générale, je suis d’accord avec l’analyse et même avec les positions qui s’y trouvent exprimées. Ma critique se rapporte à un point apparemment de détail d’après lequel vous avez estimé correct de désigner par « partisans du règlement » ceux des révolutionnaires de cette région qui ne se réclament pas du « front du refus » (à propos, pour user de cette étiquette, j’inclus également dans le « front du refus » les trotskystes de la IVe Internationale, bien que leur argumentation diffère quelque peu de celle avancée par les autres qui « refusent »). A mon avis, l’étiquette « partisans du règlement » se fonde sur une erreur, et son emploi dans le contexte précédent par vous et par d’autres auparavant introduit dans le débat un élément nocif de confusion. Je ne peux pas parler au nom des autres ; toutefois, vous avez inclus au sein des « partisans du règlement » Matzpen dont je suis membre. Si vous examinez le document de Matzpen (Aujourd’hui, à l’heure de la question palestinienne), dont le résumé est paru dans le premier numéro, vous verrez qu’il n’accorde pas son soutien au règlement politique pour lequel œuvrent des forces politiques des classes ennemies, à l’échelle mondiale et régionale. L’étiquette « partisans du règlement » s’applique par exemple à Sadate, au roi Khaled et aux forces politiques qui représentent les classes dont ils défendent les intérêts. Elle convient également à certains éléments opportunistes du mouvement palestinien, favorables à une alliance des classes dominantes existantes, dans le cadre de la « pax americana ».
Il est évident qu’aucun révolutionnaire ne peut se proclamer « partisan » du règlement qui est en préparation au Proche-Orient. Le débat à l’intérieur du camp révolutionnaire n’oppose pas ceux qui refusent le règlement et ceux qui le souhaitent. A mon avis, il est nécessaire de formuler notre position de la manière suivante : nos ennemis de classe (ou du moins une partie d’entre eux) tentent à présent d’aboutir à un règlement politique. Telle est la situation à laquelle nous devons faire face actuellement ; la question est de savoir ce que doit être la position de la gauche révolutionnaire vis-à-vis de cette situation donnée, à la lumière de ces tentatives qui visent un règlement politique sous l’égide de l’impérialisme.
Les membres du « front du refus » se contentent de rejeter a priori cette formule. D’autres révolutionnaires, en revanche, adoptent une position plus élaborée, lancent des mots d’ordre et des revendications non pas « favorables » au règlement, mais face sa règlement, dans une position de défi.
C’est en tant que défi par rapport à la solution projetée qu’il faut comprendre, par exemple, le mot d’ordre demandant la création d’un pouvoir palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (je pense ici, bien entendu, au mot d’ordre tel qu’il est lancé par les révolutionnaires et non pas tel qu’il est lancé par ceux pour lesquels la création d’un État palestinien fantoche constitue un « objectif final » et qui marquerait la fin de la lutte). Lorsqu’on examine ce mot d’ordre dans le contexte des tentatives de solutions pacifiques, nous devons, il me semble, envisager trois possibilités :
1) Il est fort possible que la lutte pour la création d’un pouvoir palestinien indépendant contribue dans une large mesure à faire exploser les contradictions qui existent (de toutes les manières) entre les partisans de ce règlement, vouant ainsi à l’échec les tentatives entreprises actuellement dans ce but. Auquel cas, justement et précisément parce que la revendication de la création d’un pouvoir palestinien dans la bande de Gaza et la Cisjordanie paraît suffisamment modeste et vraisemblable, les forces qui auront lutté pour faire triompher cette revendication se trouveront dans une position propice pour dévoiler l’incapacité des classes dominantes à parvenir à un règlement qu’elles ont promis de conclure. Il sera également plus aisé de dénoncer devant les masses l’illusion selon laquelle il serait possible de résoudre les problèmes de la région en s’en remettant à l’impérialisme. Si ce dernier ne peut ou ne souhaite pas obliger Israël à accepter l’autodétermination palestinienne, même à l’intérieur de ce territoire réduit et exigu, cela signifie que la politique de Sadate et consorts s’est fourvoyée dans une impasse. (Du point de vue de la lutte en Israël, un résultat parallèle apparaîtra : l’establishment sioniste dévoilera son refus de reconnaître un quelconque droit réel du peuple palestinien.)
2) Peut-être aussi l’impérialisme, le sionisme et les régimes arabes réussiront-ils, malgré tous les obstacles, à aboutir à un accord sans pour autant satisfaire la revendication minimale d’établir un pouvoir palestinien indépendant dans les territoires dont Israël se retirerait. Encore une fois, le mot d’ordre de création d’un pouvoir palestinien indépendant servira de base à la lutte contre ce type de règlement.
3) Il est possible, enfin — bien que cette troisième possibilité soit à mon avis moins vraisemblable que les deux précédentes, elle n’est pas à exclure catégoriquement —, que la lutte pour la création d’un pouvoir palestinien indépendant atteigne des dimensions telles qu’elle force l’impérialisme et le sionisme à céder sur ce point et accepter la création d’un État palestinien exigu mais jouissant d’une indépendance réelle. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le règlement se constituera sur un fondement plutôt positif, à condition qu’il soit préalablement clair qu’il s’agit uniquement d’une étape dans la lutte pour la libération sociale et nationale totale du peuple palestinien et du Mashrek en général.
A vrai dire, la plupart des arguments évoqués ci-dessus sont exposés dans l’article de Khamsin, quoiqu’ils ne le soient pas précisément dans une formulation et avec les détails nécessaires. A ce propos, des arguments parfaitement identiques valent pour la revendication de reconnaître l’O.L.P. en tant que représentant du peuple palestinien. Toutefois, si on accepte notre approche, il est clair que notre revendication transitoire — pour l’immédiat de créer un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza — ne signifie pas que l’on accorde son « soutien au règlement ». Car cette revendication joue un rôle dans la mobilisation des masses dans tous les cas, que la solution politique aboutisse ou échoue. Nous le lançons, donc, non pas comme une revendication dépendant du règlement, mais comme un défi face au règlement proposé.
L’article souligne également, à juste titre, que cette revendication n’est pas mise en avant par les révolutionnaires en tant que proposition faisant partie d’un arrangement diplomatique, mais comme mot d’ordre dont le but est de mobiliser les masses pour la lutte. Celle-ci ne se mène pas à Genève. Bien entendu, les forces révolutionnaires peuvent aussi, dans certaines conditions, se servir de Genève comme d’un tremplin pour la lutte sur la scène principale ; c’est là une question de tactique. La différence entre les révolutionnaires et les tenants du crétinisme diplomatique ne réside pas en ce que les premiers n’exploitent jamais la scène diplomatique, mais en ce que les derniers y voient l’arène principale. Enfin, il y a des cas où des révolutionnaires participent à ce genre de réunions mondaines dans le seul but de les saboter.
Pour terminer, un argument qui n’a pas été exposé dans cet article de Khamsin. En ce qui concerne les révolutionnaires, le mot d’ordre d’un État palestinien dans l’immédiat revêt un autre aspect important qui n’est pas lié directement à quelque règlement que ce soit. Lorsqu’il s’agit d’une revendication d’un pouvoir indépendant dans l’immédiat, et non plus en tant qu’objectif à long terme, il est naturel de poser en termes concrets et non pas comme abstraction lointaine la question de la nature de classe de ce pouvoir. La gauche révolutionnaire peut et doit saisir l’occasion et mener auprès des masses travailleuses, surtout celles vivant sous l’occupation, une campagne d’explication systématique sur le contenu d’un pouvoir populaire, fondé sur les conseils ouvriers et paysans, en opposition au pouvoir bureaucratique de politiciens professionnels.
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Lettre d’Israël Shahak, Jérusalem
Je voudrais ajouter quelques mots à votre critique du « dialogue » entre Mahmoud Hussein et Saul Friedlander (Khamsin, n° 1), pour vous donner la réaction en Israël à ce « dialogue ». Ici, la position de M. Hussein a été interprétée comme un soutien au sionisme. « Mahmoud Hussein, écrit le général de réserve Mattityahu Peled, sont prêts de reconnaître Israël non seulement comme Etat juif mais comme État sioniste » (Emda, n° 9, août 1975). Ce n’est point une appréciation isolée, mais bien l’opinion générale. Je pense aussi que le général Peled a raison, et que Mahmoud Hussein ne sont que les dernières recrues dans une longue liste d’agents que le sionisme a su recruter parmi les Arabes au cours des soixante-dix dernières années (c’est un phénomène insuffisamment connu dans le monde arabe, grave lacune !). Au cours des années 1920, par exemple, le dénommé Kalvarisky a pu réunir des effendis palestiniens dans des « associations musulmanes » dont la « plateforme » et le « programme politique » étaient rédigés par l’organisation sioniste. Les programmes n’étaient pas toujours ouvertement pro-sionistes. Les sionistes ont « pris en considération » la situation particulière de chaque cas. En milieu féodal et arriéré ces « associations musulmanes » ont appuyé le sionisme ouvertement. En milieu urbain l’organisation sioniste s’est « contentée » qu’elles expriment seulement leur « compréhension » en « passant sous silence » deux faits : la discrimination nationale contre les Palestiniens que le sionisme a introduit dans le pays, la spoliation et autres atteintes aux Palestiniens dans le présent. Les deux conditions restent, jusqu’à nos jours, et la règle absolue pour tout collaborateur avec le sionisme, et le signe de reconnaissance le plus sûr pour dénicher ces collaborateurs. Les deux conditions sont remplies dans le cas de Mahmoud Hussein, ils ne mentionnent pas, fût-il d’un mot, les souffrances du peuple palestinien dans les territoires occupés aujourd’hui, ils ne décrivent point — et encore moins analysent-ils — le régime de discrimination sioniste de l’État d’Israël.
Dans le passé, les collaborateurs avec le sionisme ont reçu de l’organisation sioniste de l’argent, des honneurs (avec la participation du gouvernement britannique, par exemple), et surtout une publicité internationale. Une chose que le sionisme ne pouvait jamais procurer aux collaborateurs, c’est une prise sur les masses. Même si les faits de la collaboration et du paiement des services n’étaient pas connus pendant des années, suffisait aux masses populaires le simple fait que les collaborateurs ne mentionnaient pas d’un seul mot ce qui leur faisait mal dans le présent, ce dont ils souffraient concrètement, le pourquoi et le comment de leur discrimination à cause de leur origine, pour reconnaître, même instinctivement, la véritable nature des collaborateurs. Le peuple n’est pas aussi sot que ne le pensaient les intellectuels musulmans des années 1920 ou les marxistes de nos jours. Que Mahmoud Hussein, qui se disent marxistes, se rappellent la phrase du grand bourgeois Abraham Lincoln : You cannot fool all the people all the time !
[N.D.L.R. : Mahmoud Hussein est le pseudonyme de deux écrivains égyptiens. Nous avons suggéré à Mahmoud Hussein de nous faire parvenir leur réaction à la critique parue dans Khamsin n° 1 ; ils l’ont refusé.]
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Lettre de camarades de la Ligue communiste révolutionnaire (Matzpen marxiste), section de la IVe Internationale
Chers camarades de Khamsin,
La publication d’une revue ayant pour objectif de populariser, en France, les positions politiques des socialistes révolutionnaires du Mashrek est en soi un fait positif que nous tenons à saluer. Dans la mesure de nos moyens, nous sommes évidemment prêts à collaborer à la revue et à apporter notre contribution à un débat politique fraternel nécessaire à l’ensemble des révolutionnaires de l’Orient arabe.
Pour ce qui est du premier numéro de la revue, nous aimerions faire une mise au point sur la présentation du débat sur la stratégie révolutionnaire à l’intérieur du camp israélien. Nous laisserons à nos camarades de l’O.S.I [Organisation socialiste israélienne — Matzpen, N.D.L.R]. le soin de corriger certaines erreurs (de nuance, à notre avis) dans l’exposé de leurs positions, et nous nous contenterons de faire certaines remarques sur la partie consacrée aux positions de notre organisation, la Ligue communiste révolutionnaire (Matzpen marxiste).
Khamsin a compris et clairement exprimé notre refus de « la solution de l’État palestinien » et affirmé à juste titre que ce refus est la conséquence d’une analyse globale de la situation politique dans le Mashrek arabe. Néanmoins, les arguments apportés pour étayer notre thèse ne reflètent pas toujours nos positions politiques. Ce n’est pas parce que la « résistance palestinienne cesserait d’être un aiguillon révolutionnaire » ou parce que nous nous opposerions a priori à l’existence d’un État palestinien (sous le prétexte qu’il n’existe qu’une seule nation arabe), que nous luttons contre la solution, envisagée aujourd’hui, d’un État palestinien dans les territoires occupés en 1967. Une telle argumentation serait, à nos yeux également, ultra-gauche et infantile.
En aucun cas nous ne nions le droit des Palestiniens à s’autodéterminer nationalement en Palestine, même s’il nous semble évident (pour des raisons que nous ne pouvons développer ici) que la libération de la Palestine (ou, si l’on préfère, la destruction de l’État sioniste) ne pourra pas être réalisée par la seule résistance palestinienne et dans le cadre d’une libération nationale uniquement (comme l’Algérie et l’Angola), mais dans le cadre de la révolution socialiste de l’ensemble de la région arabe. C’est précisément le but des marxistes révolutionnaires au sein de la résistance que de montrer que la libération de la Palestine ne se fera que dans le cadre d’un mouvement révolutionnaire prolétarien de l’ensemble des masses de la région.
En aucun cas nous ne conditionnons notre soutien à la résistance palestinienne et à sa lutte, même quand celle-ci reste prisonnière du cadre — inefficace pour ses propres objectifs — « palestinien » et nationaliste (et non classiste). Notre soutien est inconditionnel, il n’en est pas moins critique des directions et des illusions palestino-centristes et multi-classistes.
Notre refus de « la solution de l’État palestinien » découle de deux facteurs :
a) notre refus de la Solution pacifique dans son ensemble ;
b) le fait que cette « solution » soit la négation du droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Si nous rejetons la Solution pacifique — c’est ainsi que les régimes arabes l’appellent — c’est parce que son but et les moyens qu’elle se donne sont la stabilisation de la région, la stabilisation donc de la domination impérialiste et le renforcement des bourgeoisies arabes. Notre projet, tout projet révolutionnaire, est de déstabiliser, de remettre en question cette domination et de la détruire. Il ne saurait y avoir aucun point de rencontre entre ces deux projets antithétiques ; on ne peut « utiliser les éléments positifs (?) » d’un arrangement réactionnaire, imposé par l’impérialisme aux masses de la région, dans une période de renforcement de celui-ci et de ses alliés locaux. Contrairement aux accords de Paris, par exemple, où c’est la lutte révolutionnaire des masses vietnamiennes qui imposa un « arrangement » à l’impérialisme, arrangement reflétant le changement du rapport de forces en faveur des masses.
Afin de démontrer que nous faisons ici preuve d’« un incroyable aveuglement », il faudrait démontrer soit que le rapport de force entre la révolution et la réaction s’est amélioré et que la solution pacifique vient confirmer ce changement, soit qu’il peut y avoir des convergences d’intérêts entre les masses et l’impérialisme. L’article de Khamsin ne soutient aucun de ces deux arguments — à juste titre — mais n’en soutient pas moins la solution de l’État palestinien, partie intégrante de l’arrangement impérialiste. Peut-être est-ce, malgré tout, parce qu’il est d’accord avec la thèse de l’A.C.R [Alliance communiste révolutionnaire — Maavak, N.D.L.R.] sur le rôle progressiste de la « bourgeoisie nationale » ; si tel est le cas, à Khamsin de nous expliquer en quoi Sadate représente un tournant « à gauche » , avec ses liens renforcés avec les U.S.A., le renforcement de la bourgeoisie égyptienne, de l’influence du régime d’Arabie, l’annulation de nombreuses réformes de la période nassérienne.
Pour nous, l’échec du nassérisme. un des régimes qui est allé le plus loin dans ses mesures anti-impérialistes, ses réformes, sa réforme agraire, est la preuve la plus éclatante que dans le cadre des rapports de production bourgeois et sans la destruction de l’appareil d’État bourgeois, il ne saurait y avoir d’indépendance nationale par rapport à l’impérialisme, de réformes structurelles stables, c’est-à-dire de rôle progressiste à la bourgeoisie. Ce n’est certainement pas Sadate, ou les émirs pétroliers qui prouveront que l’on peut réussir là où Nasser a échoué. Il ne s’agit pas, camarades de Khamsin, d’aveuglement de notre part, mais plutôt d’un certain impressionnisme de la vôtre, qui prend un rééquilibrage du rapport de force au sein du camp impérialiste (entre les différents impérialismes, entre l’impérialisme et les régimes locaux qui lui sont liés, entre ces régimes eux-mêmes, y compris l’État sioniste) pour un changement du rapport de force entre réaction et révolution.
La « solution de l’État palestinien » est donc un élément parmi d’autres d’une « pax americana » et n’existe que par et dans le cadre d’un tel accord réactionnaire. Mais nous la rejetons aussi parce qu’elle est antithétique avec le droit à l’autodétermination du peuple arabe-palestinien. Autodétermination, comme son nom l’indique, signifie que le peuple en question détermine lui-même son avenir politique. Or, la solution de l’État palestinien est proposée aux Palestiniens — par l’impérialisme, sous la pression des régimes arabes qui savent que, si une solution politique à la question palestinienne n’est pas incluse dans un accord global, celui-ci n’atteindra pas son objectif, la stabilisation du statu quo — sous une double condition-limite : a) limite géographique : autodétermination dans une partie de la Palestine, avec la reconnaissance de fait de la domination sioniste sur le reste de la Palestine ; b) condition politique : si la résistance se porte garante et se montre capable de juguler toute tentative de continuer la lutte pour la libération de la Palestine ; et le fait est que, malgré les preuves de bonne volonté apportées par la direction de l’O.L.P., les cercles dirigeants de l’impérialisme américain ne sont pas encore persuadés, non de la bonne volonté de l’O.L.P., mais de sa capacité de freiner la lutte de libération nationale palestinienne une fois au pouvoir.
Lutter pour le droit à l’autodétermination des Palestiniens, c’est lutter contre toute tentative d’imposer à la résistance palestinienne des limites à sa lutte et aux droits nationaux des Palestiniens, c’est lutter pour un pouvoir palestinien sur tout territoire palestinien libéré du sionisme, indépendamment de tout accord impérialiste. C’est la raison de notre soutien (critique, évidemment) au Front du refus dans sa lutte contre la direction de l’O.L.P., non pas par « patriotisme palestinien » , mais parce que les organisations du refus continuent à se revendiquer des droits nationaux des Palestiniens et à lutter pour ces droits, alors que la direction de l’O.L.P. trahit ces droits (et non trahison nationale, dont nous n’avons que faire) et les marchande contre un État croupion dans une partie de la Palestine. Quant aux arguments sur le « réalisme » et le « maximalisme », ce sont les mêmes arguments que ceux avancés par les P.C., Ferhat Abbas, Aimé Césaire et autres Holden Roberto, quand ceux-ci acceptaient des solutions autonomistes, fédératives au nom du réalisme et contre le maximalisme des partisans de l’indépendance inconditionnelle et totale de l’Algérie, de la Martinique ou de l’Angola. Nous sommes certains que les camarades de Khamsin étaient eux aussi maximalistes dans ces cas.
Une dernière remarque. Les questions posées par la lutte révolutionnaire au Moyen-Orient sont particulièrement complexes et il n’y a pas de schémas qu’il suffirait de plaquer sur cette réalité. En ce sens le débat politique est une nécessité. Les anathèmes et les injures ne peuvent tenir lieu de débat, sur ce point nous sommes en plein accord avec les camarades de Khamsin. Mais ce qui n’est pas moins inefficace c’est l’éclectisme et les affirmations gratuites du genre « l’incroyable aveuglement » , « positions modestes versus insultes grossières » . Polémique souvent trop violente ? peut-être ; aveuglement ? il s’agit de le prouver. En voulant présenter « objectivement » les diverses positions au sein de la gauche en Israël, Khamsin a tenté l’impossible. Plutôt que de glisser des remarques inappropriées et de donner des estimations non prouvées (car tel n’était pas l’objectif de l’article), il eût été préférable de défendre ouvertement les positions de l’A.C.R-O.S.I. et de laisser à ceux qui ne sont pas d’accord avec ces positions le soin de défendre les leurs. Le débat en aurait gagné en clarté, pour l’intérêt de tous.
Salutations révolutionnaires,
Léa Tsemel et Michel Warschawski
Jérusalem, août 1975
[voir le suivant : La quatrième de couverture]